La haine fournie par des outils dans la mort à distance

Anders Günter

Ce qui s’applique aujourd’hui, c’est un numerus clausus pour les individus qui, à des milliers de kilomètres du lieu du désastre, s’employera  dans le meilleur des cas (pour autant qu’ils restent en vie) à se laver les mains dans l’innocence, donc à rester sans la moindre haine ; pendant que les instruments pilotés  par des instruments se donneront carrière, fidèles au devoir, pour éradiquer la vie des millions de fois sans se douter de rien. La plupart des gens vous inclus, ne savent rien du tout (« savoir » au sens de « se représenter ») et ils n’ont pas non plus besoin de savoir ce qui se produit là, par exemple, la réduction de millions d’individus en cendres radioactives, opération qu’ils exécutent aux antipodes sur un continent inconnu d’eux. Et même s’ils le souhaitaient, ils ne pourraient ni se représenter les effets, ni les reconnaître, ni une fois ceux-ci advenus, sen souvenir ou les regretter ou les réparer. Car supraliminaires ( überschwellig) sont les effets. Qui dans ces conditions, est censé encore haïr ? Qui aurait besoin du désir de combattre, ou qui aurait la faculté de haïr ? Ou faudrait-il peut-être que la haine soit aussi fournie par les outils ? S’il en existe qui, comme l’affirment des esprits incapables de penser, peuvent penser, pourquoi d’autres appareils n’apprendraient-ils pas à sentir ?  (72-73)… ou à haïr ?

Anders Günther, La Haine, Paris, Rivages poche, 2009.