UN PANORAMA
(1968-2020)
Expériences. Rencontres. Héritages
Marie-Claire Caloz-Tschopp
« Au fond, le seul courage qui nous est demandé est de faire face à l’étrange, au merveilleux, à l’inexplicable que nous que nous rencontrons. Que les hommes, là, aient été veules, il en a coûté infiniment à la vie ».
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète
« Tu me crois la marée et je suis le déluge ».
Victor Hugo, L’Année terrible. Epilogue (sur la Commune en France)
Plan
- Quand l’histoire coloniale d’une multinationale d’aluminium, des grèves, laisse des traces
- Rapport ville-campagne, planification, migration forcée de petites paysans du café dans les tugurios de Medellin
- Luttes indiennes pour la récupération de terres (1970), mémoire des peuples et implications de l’inscription des droits des peuples dans la constituion colombienne. «Traductions de praxis, de luttes et ponts entre modes divers»
- Lire le Capital (Marx) à Medellin, en Amérique latine
- Santiago janvier 1973
- Retour en Suisse cinq ans après
- Des faits, des empreintes
- Rencontres, collaborations, apports
- Choix d’essais, travaux (1982, 2004, 2016, 2019, 2020)
Introduction
Dans cette partie, est présenté un panorama de praxis diverses à la fois individuelles et collectives entre 1968 et 2020, entre la Colombie, la Suisse, l’Europe, le Chili, la Turquie. L’Amérique latine a été un continent qui faisait rêver de révolution, mais pas seulement. Je viens d’un endroit (le canton du Valais en Suisse) où l’histoire coloniale de fabrication d’aluminium et du mouvement ouvrier a marqué ma famille mon entourage sur au moins deux générations. Mon grand-père maternel a été gréviste et a été licencié de l’usine de Chippis, puis est décédé à 34 ans d’un accident du travail dans une dystillerie où il avait retrouvé du travail ; sa femme sage-femme devenue veuve a élevé 4 enfants et un adopté).
Des traces, des expériences incroyables ont marqué des parcours d’expériences diverses. Des rencontres ont été des richesses immenses. Des héritages dans nos mains, demandent à être soumis à un travail de mémoire et à être partagées et transmises. Nous pouvons dire avec Pablo Neruda… J’avoue que j’ai vécu.
Aujourd’hui, au moment où nous la quittons, la planète a tellement changé depuis la guerre du Vienam, suivie de tant d’autres guerres impériales et d’autres saccages que nous ne la reconnaisons plus. Entre infinitude des rêves et finitude de la mort individuelle et de masse, de la destruction capitaliste, des questions étaient déjà là, dans l’inconscient individuel et social.
Nous avons beaucoup rêvé et tenté d’expérimenter certains de nos rêves de découverte du monde. Aujourd’hui, nos désirs de voyage, nos ivresses de découvertes se heurtent au monde « fini ». Des intuitions, des « chocs », des tragédies ont pris une dimension exponentielle. Les embarras, ambiguïtés, énigmes d’aujourd’hui sont formulées depuis l’Europe. Face aux limites, à la finitude, au non savoir, à la complexité, à l’imprévisibilité du brutalisme, de la violence « extrême », dégrisés nous voyons que les humains s’auto-détruisent en détruisant la planète. La violence guerrière nous revient en boomerang (Rosa Luxemburg). l’Europe est appelée à se décentrer, se décoloniser, se désimpérialiser. Tu me crois la marée et je suis le déluge, écrivait Victor Hugo, après les massacres de la Commune. Quel déluge sommes-nous aujourd’hui ? Au fond, le seul courage qui nous est demandé…. dit le poète. Le chantier est ouvert.
1. Quand l’histoire coloniale d’une multinationale d’aluminium, des grèves dans ses usines laisse des traces
VARONE Joël, Les 50 ans de la grève aux usines d’aluminium et les luttes ouvrières à Chippis. Paradigme du développement capitaliste et de la bureaucratisation syndicale en Valais. Le syndicat FOMH et la grève, 2004
Thèse de doctorat en ligne
La presque totalité des 1800 ouvriers de l’usine d’aluminium de Chippis se met en grève, ce 17 juin 1917. Le conflit a éclaté au début du mois de mai. Les revendications du syndicat ouvrier portent prioritairement sur 4 points: une augmentation de salaire de 20 à 25 % avec un minimum de 1.- de l’heure, la suppression du travail à la tâche, l’immixtion du syndicat dans l’organisation du travail d’hiver et la reconnaissance officielle du syndicat par la Société pour l’industrie de l’aluminium.
VOIR AUSSI
- SCHWERI Alain, La grève de 1917 aux usines d’aluminium de Chippis, Université de Genève, 1988.
- Garbely Frank, Alusuisse 1888-1988. Une histoire coloniale en Valais et dans le monde, Lausanne, éd. d’en Bas.
- Les archives de l’association pour l’étude de l’histoire du mouvement ouvrier (AEHMO), Lausanne.
- Cahier AEHMO-traverse, hors-série. La grève générale de 1918.
- Cahier no. 27 de l’AEHMO, Des grèves au pays de la paix du travail, 2012.





2. Rapport ville-campagne, planification, migration forcée de petites paysans du café dans les tugurios de Medellin
3. Luttes indiennes pour la récupération de terres (1970), mémoire des peuples et implications de l’inscription des droits des peuples dans la constituion colombienne. « Traductions de praxis, de luttes et ponts entre modes divers ».


4. Lire le Capital (Marx) à Medellin, en Amérique latine
Cette expérience inédite d’un important texte/discours de la tradition philosophique, m’a appris concrètement combien l’histoire, le contexte, l’usage transforment l’appréhension, la lecture, la circulation, l’interprétation de textes/discours[1] philosophiques. J’en ai retiré des principes épistémologiques et méthodologiques pour le travail sur des textes/discours philosophiques : l’attention aux cristallisations sur des objets, des concepts, des faits et des débats pris hors de leur contextes ; l’attention aux conflits, à l’histoire, aux évitements, aux censures, à l’auto-censure, aux résistances à penser ; l’exigence de l’examen des déplacements et l’importances des terrains qui amènent à devoir formuler des questionnements bien au-delà de ce montrent les auteurs.

Althusser Louis, Guia para leer El capital (éd. française, mars 1969).
5. Santiago janvier 1973

Un autre fait mérite d’être relevé. Alors que je vivais et je travaillais en Colombie, je suis allée en janvier 1973, quelques mois avant le coup d’Etat du 11 septembre 1973 (L’autre 11 septembre), au Chili et j’ai participé au fameux meeting dans le stade de Santiago où Allende a parlé, qui a été un moment fort de ma vie.
6. Retour en Suisse cinq ans après
Parmi de multiples expériences de vie, avant (grève d’une multinationale dans un contexte colonial en Suisse) et lors du retour de Colombie, en Suisse, retenons trois faits. Ils ont un lien avec la Colombie et la politique suisse et européenne du droit d’asile ayant amené à des actions d’insubordination collectives.
Sans pouvoir s’y arrêter ici, pour en mesurer l’empreinte et la complexité, il faut avoir en mémoire des faits d’un contexte plus global de l’époque considérée. Ces exemples dans la politique internationale, ont pesé lourd dans le travail d’étonnement philosophique : Patriot Act après 2001, camp de Guantanamo (2001, décret de Trump au Pentagone pour maintenir les intallation ouvertes en 2018), réseau international de prisons secrètes de la CIA hors des Etats-Unis dénoncées dès 2005 (rapporta d’Amnesty International, de Dick Marty du Conseil de l’Europe en 2006), réarmement en cours, poids de l’empire américain en concurrence avec l’empire chinois, sur la politique européenn et suisse, etc..
La deuxième guerre d’Irak (2003) a été un moment d’incrédulité, d’indignation, de colère, de révolte devant le mensonge politique cynique du gouvernement américain (armes de destruction massives). Qui se souvient des millions de personnes de la grande manifestation mondiale le 15 février 2003 contre cette guerre ? La guerre du Vietnam avait déjà utilisé le mensonge politique pour se légitimer[2].
Au retour en Suisse, trois expériences et une aporie toujours ouverte qui traverse l’ensemble du parcours, ont été des marqueurs de mon engagement intellectuel et politique :
- L’institutionalisation de la torture en Colombie (1979) et en Amérique latine (bien antérieure) ;
- Droit d’asile en Suisse : l’expulsion de la famille Maza à Cuba, le recours à l’argument fallacieux la sécurité d’Etat pour légitimer la politique d’expulsion, le non respect du « principe de non refoulement » inventé par Walter Kaelin et inscrit dans la loi sur le droit d’asile et la Convention de 1951 du HCR de l’ONU (1986-1989) ;
- Le refus d’accorder le droit d’asile à un requérant d’asile kurde sortant de prison, sa femme, son fils. Ce cas a permis de lutter contre déni des droits après un dépôt de demande d’octroi du droit d’asile (8 ans d’âpres luttes pour obtenir le droit d’asile pour un requérant kurde torturé en prison en Turquie, sa femme et son fils).
Dans la lutte contre la torture, la défense des droits, j’ai fait l’expérience matérielle, concrète de la violence par le déni du nom sur des individus humains qui pourtant, chacun, avaient un nom propre nous rappelant que toute expérience humaine, toute politique ne peut jamais oublier que dans l’ordre du plus général, tout humain (enfants, femmes, hommes) est unique, qu’il a un nom propre inaliénable et des droits inaliénables.
En matière de politique des « étrangers » (le mot parle de lui-même !), la non désignation par le nom, la violence qui en découle est le signe d’une limite infranchissable pour la justice et le droit. Tant les limites de l’Etat de droit, la violence d’Etat, que le passage d’une culture des « droits » vers une (non)politique de « l’humanitaire », du traitement de masse (essai Caloz-Tschopp 2016), indiquent ce seuil infranchissable. En ce sens, refuser radicalement le franchissement d’un tel seuil, a une portée philosophique et politique incalculable. Le saut de l’Habeas corpus dans l’histoire humaine a été le saut qualitatif de « civilisation » de cet incalculable. Il apparaît dans les luttes contre les politiques de disparition (revendication des femmes, mères, grands-mères de disparus)
Tout au long des années, l’aporie du déni de la justice et de la violence « extrême » et les conséquences incalculables – dont l’exil repensé en lien avec le desexil – s’est aiguisée et a influencé la recherche philosophique et politique.
7. Des faits, des empreintes
Institutionalisation de la torture en Colombie, dans d’autres pays d’Amérique latine (1979) et actions de défense des droits de l’homme.
Une nouvelle étape d’’institutionalisation de la torture (1979) dans un pays traversé par la Violencia (guerre civile) depuis pratiquement 100 ans, à la suite d’interventions américaines (Kissinger) en Colombie, constatée après mon retour de Colombie en Suisse, a été la découverte de son ampleur et de son étendue en Amérique latine et notamment dans le coup d’Etat au Chili). Lors d’une visite diplomatique de légitimation de la torture par le président colombien de l’époque, Julio Cesar Turbay, j’ai participé aux activités du Comité de défense des droits de l’homme ad hoc, qui a écrit une lettre ouverte au président Turbay, largement diffusée (Le Monde, journaux colombiens, suisses), l’interrogeant sur l’existence de « la cuevas de Sacro-Monte », lieu de torture tristement célèbre et notamment de la pratique de jeter des torturés vivants des hélicoptères en vol. Une telle pratique « El Vuelo » (vols de la mort) raconté par le militaire, Adolfo Scilingo au journaliste Horacio Verbitsky (ISBN 950-742-608-6) a été aussi pratiquée en Argentine, Chili, Uruguay ces années-là. Elle m’a amenée à devoir interroger l’origine coloniale, impériale, le sens philosophique et politique d’un pouvoir en transformation qu’indiquaient des politiques, dispositifs de « torture » et de « disparitions », (voir revue no. article Caloz-Tschopp, Torture et Migration, 2020, base de données). La défense des droits de l’homme, la phénoménologie où les catégories juridiques, philosophiques trouvent leurs limites (qu’est-ce qu’une « dictature » ? à quoi, à qui sert la torture ? Que parvient à décrire la catégorie d’intention[3] en philosophie et dans le droit pénal ? Que devient la guerre sans règles ? etc.). Les catégories en usage ne parviennent pas à saisir et à décrire les transformations du pouvoir de « violence extrême » et qui, en bref, posent, ce que j’appelle des questions d’anthropologisation d’une ontologie politique du chaos/cosmos (voir la revue en ligne no. 11 ; voir aussi Caloz-Tschopp, article sur Balibar au retour d’Istanbul publié dans Rue Descartes après l’expérience à Istanbul).
Dossier. REVISTA ALTERNATIVA, « Represion. El ano de la tortura », 1979-80, no. 244-245, p. 8-11.
GUTIERREZ Gabriel, enviado especial para el viaje del Présidente Turbay en Europa, « Cinco dias de descanso pasara Turbay en Italia », Tiempo 18 junio 1979 et, Lutte contre l’institutionalisation de la torture en Colombie en 1979 (« Confusion entre estadio de sitio y Estatuto de Seguridad »,accusation au CSDDA qui a lancé une lettre ouverte lors de la venue de Turbay en Europe et en Suisse, Tiempo, 18 junio, 1979).
Des cas de torture et de disparition au Chili à Genève
Marie BONNARD TECKLENBURG, Dossier du procès « Un bourreau à la Commission des droits de l’homme de l’ONU, à Genève» (1977, 1980-1981).
Jacques DESPALLENS, «Une dictature, ça assassine énormément», Le Courrier, 11.09.2019
Grand Conseil de Genève, Rapport pour un auditoire universitaire Alexei Jaccard, 23 avril 2004.
1986-1989, droit d’asile et « sûreté de l’Etat » : Cas de la famille Alphonse, Béatrice Maza et leurs trois enfants expulsés au bout de 15 ans de séjour en Suisse, à Genève.
Il y aurait beaucoup à dire sur les luttes en matière d’asile durant plus de 40 ans. La situation de la famille Maza, et d’Alphonse Maza a été emblématique de l’introduction de l’argument du « terrorisme » et de la « sûreté d’Etat », de l’emprisonnement forcé sans délit préfigurant l’instauration de la loi de contrainte (voir plus bas). En travaillant sur des dossiers de requérants d’asile dans le cadre d’une permanence juridique du Comité de défense du droit d’asile à Berne (CSDDA) devenu plus tard Solidarité sans Frontières (SOSF) nous avons eu connaissance de l’imminence d’une expulsion d’un exilé zaïrois vivant en Suisse depuis 15 ans avec sa femme et ses trois enfants. Il était accuséofficiellement de mise en cause de la « sécurité d’Etat » suisse.
Après avoir pris contact avec Jean-Pierre Hocke Haut Commisssaire pour les Réfugiés de l’ONU à l’époque, défendu le dossier sur la base du « principe de non refoulement », établi des enquêtes fouillées, il a pu être établi que « le dossier d’accusation était vide », qu’A. Maza était sanctionné pour avoir résisté à son expulsion, comme d’ailleurs d’autres Zaïrois et que des mesures troubles de police étaient en train de se développer. A. Maza a été expulsé à deux reprises. Il est revenu en Suisse où se trouvaient sa femmes et ses trois enfants, a été à nouveau emprisonné et expulsé à Cuba avec sa famille. Les péripéthies ont duré trois années avec de larges mobilisations (grèves de la faim du Comité de soutien du quartier, enquête, défense des droits, tâche difficile par un avocat, Jean-Bernard Waeber, le travail intensif d’un ami de SOS-TORTURE ET d’ANTENA, Denis von der Weid, le travail dans le quartier avec l’appui solide, critique de la famille Morand notamment, le travail avec la presse, des parlementaires cantonaux et fédéraux, des négociations secrètes entre le gouvernement suisse et Cuba où le Haut Commissariat pour les Réfugiés n’avait pas d’Antenne sur place, etc.). Les faits ont laissé des traces, ébranlé des certitudes sur l’Etat de droit et la « démocratie » suisse, sur celles et ceux qui l’on directement vécu. Cette situation a permis d’observer la mise en place de fait des mesures de contraintes (emprisonner pour assurer l’expulsion)[4] et sur l’usage avant l’heure de l’argument « anti-terroriste » qui a permis des dérives de l’Etat de droit[5]. Qu’est-ce qui a pu s’inscrire dans la mémoire collective de la nouvelle génération ? De l’abondant dossier (plusieurs classeurs), nous retenons ici quelques pièces illustratives.
CARRON-PASQUALI Manuelle, « Affaire Maza. Le vide ! », Le Courrier de Genève, 5 juin 1987.
BIMPAGE Serge, « Complot fantôme », L’Hebdo 4 juin 1987.
PILET Jacques, « Fratoni, Maza et les autres », L’Hebdo, 4 juin 1987.
STAUFFER Pierre-André, « L’administration fait ce qu’elle veut », L’Hebdo, 11 juin 1987.
ARBENZ Peter, « J’en ai assez d’être une tête de turc », L’Hebdo, 11 juin 1987.
JURISTES DEMOCRATES DE SUISSE, Communiqué de presse, 16.1.1988.
LOI SUR L’ASILE SUISSE, Berne, Extrait, dont art. 8.
Le déni par l’Etat durant huit ans des droits de protection (droit d’asile) à un requérant kurde emprisonné, torturé, expulsé et à sa femme et leur fils.
Parmi de nombreux dossiers de requérants de défense des droits dans un travail collectif, nous avons eu aussi la situation, d’un militant politique kurde et requérant d’asile en Suisse, torturé en prison en Turquie, puis exilé en Suisse avec sa femme où il a déposé une demande d’asile à qui a été finalement octroyé par l’Etat suisse (DFJP) le droit d’asile, après de multiples démarches, des années d’attente incertaine, angoissante, ce qui contribué à aggraver son état psychique et a bloqué la possibilité que leur fils qu’ils avaient dû laisser, enfant, à leur grand-mère en Turquie, de les rejoindre. Ils ont retrouvé un adolescent qui n’a pu les rejoindre que lorsque ses parents ont disposé enfin du droit d’asile, … au bout de 8 ans. Huit ans d’attente avant la décision d’octroi du droit d’asile à un requérant d’asile persécuté, emprisonné, torturé. Dans ce cas, nous avons pu observer une continuité dans le démantèlement corporel, psychique, social entre la torture dans la prison de Turquie (dont les vêtements tachés de sang, qu’il donnait chaque semaine à sa femme venue à la prison était une des preuves tangibles) et les imbroglios, silences, tergiversations des autorités fédérales suisses durant de longues années en méconnaissance du devoir de protection qu’ils ont concédé finalement, grâce à une lutte obstinée du mouvement d’asile. Ces faits ont suscité la création, le renforcement de structures du mouvement social local, européen et aussi transcontinentale.
Organiser un mouvement basé sur l’hospitalité, la solidarité, les droits fondamentaux
Après les années 1970-1980, avec l’évolution de la violence d’Etat dans les politiques d’asile et d’immigration, un mouvement s’est créé sur divers terrains, locaux, cantonaux, fédéral, européen. Ces pratiques ont eu un point commun, celui de devenir un mouvement de démocratie directe usant dans certains cas de l’outil de la désobéissance civique, d’interroger les violations de l’Etat de droit, les logiques « nationales », la xénophobie d’Etat, la haine de l’hospitalité et de l’asile, les attaques de l’égalité et de la solidarité, les causes multiples, complexe de la migration, de l’exil, la violence d’Etat, les transformations de la guerre, la structuration d’une police militarisée, un des côtés, du visage de Janus de Schengen, l’autre côté étant la liberté.
Mouvement pour une Suisse ouverte, démocratique et solidaire, WorldCat Identities.
BODS/MODS, Charta 1986, Eine Begründung in Stichworten, Bern.
8. Rencontres, collaborations, apports
Je signale ici ceux qui m’apparaissent, avec le recul, les plus marquants, tout en sachant qu’ils y en a bien d’autres !
Soledad RUIZ, sociologue, Bogota
Zoraïda GAVIRIA, architecte, planification urbaine, Medellin
Beatriz BOTERO, architecte
Maria-Teresa FINDJI, prof. de sociologie U. de Cali, Fundacion Colombia Nuestra, Cali
Gabriel MISAS, économiste, relations internationales, politique universitaire, processus de paix
Socorro RAMIREZ, politologue, prof. à l’Institut d’Etudes et des Relations internationales de l’U. Nacional de Colombie, militante active dans les luttes contre les politiques de torture, de disparitions en Colombie et dans le processus de paix en Colombie, Bogota
Helena ARAUJO[6], écrivaine, féministe, exil, courage politique
Nicholas BUSCH, (responsable de FORTRESS EUROPE ?), POLICE OU POLITIQUE. TRAVAIL COMMUN ENTRE LA CIRCULAR LETTER (NO. 1-59) FORTRESS EUROP ? ET LE GROUPE DE GENEVE (GGE), VIOLENCE ET DROIT D’ASILE EN EUROPE (1991-1999). Comprendre, savoir ce qui s’est tramé aux frontières de l’Europe de Schengen.
Le travail avec la Ligue Suisse des Droits de l’Homme (LSDH) et la Fédération Internationale des Droits de l’homme (FiDH) et la Ligue internationale pour le droit des Peuples, a permis de prendre une première distance critique vis-à-vis d’une simple approche de politique « nationale » interne aux Etats, en posant d’emblée la question européenne depuis les droits fondamentaux, pour prendre en considération La Forteresse Européenne et les réfugiés[1] et à être très actifs dans la mise en place des Assises européennes sur le droit d’asile (Lausanne, Bruxelles, Rome, Genève). Dans ce cadre, des juristes, sous la responsabilité du professeur François Rigaux, de Bruxelles ont établi des rapports à la fois « nationaux » et sur la politique de l’UE en matière de droit d’asile.
La collaboration engagée avec Le CEDRI, créé à Bâle par Longo Mai, a été déterminante, en effectuant un travail à la fois avec des pays d’origine (ex. Turquie, Chili), et au Parlement européen à Strasbourg avec Christian Pillwein, Gothard Klingler et tout particulièrement avec Nicolas Busch fondateur de Fortress Europ ? depuis la Suède avec des juristes de divers pays européens s’interrogeant sur l’évolution des polices européennes, sans contrôle des Parlements et de contre-pouvoirs. La Coordination Asile Suisse, Le Mouvement pour une Suisse ouverte, démocratique et solidaire (MODS avec son responsable Ueli Schwartz), et SOS-ASILE VAUD, et l’appui de Lode Van Outrive du Parlement européen, nous avons organisé à l’Université de Lausanne, un colloque international dont les actes ont été édités par le Centre Europe Tiers Monde à Genève (CETIM) : Europe montrez patte blanche[2], où nous nous sommes notamment intéressés sur le fait que des budgets octroyés par la Suisse aux polices européennes (la Suisse ne faisait pas partie de l’Europe) et d’autres faits démontrant une collaboration de la police suisse avec les polices européennes avaient lieu pratiquement sans contrôle du Parlement suisse.
Lors de la fondation du Groupe de Genève constitué par des chercheurs, parlementaires, militants, professionnels, Nicholas Busch a formulé une interrogation stratégique centrale pour l’avenir de l’Europe a été Police ou Politique ?
Le frère de Nicholas Busch nous a transmis les archives de Fortress Europ ? apportant ainsi un héritage précieux pour élaborer les rapports entre « police et politique » (la formule de Nicolas Busch) à partir de Schengen et retrouver l’histoire du « tournant ». La genèse de l’évoluton des polices européennes permet aujourd’hui, pouvoir mesurer le danger de l’explosion de Frontex.
Le travail du CEDRI et son travail au moment d’un des coups d’Etat en Turquie (années 1980), puis de l’Europe de Schengenont été très importants pour l’ensemble du travail d’analyse, de formation, de résistance, et tout particulièrement pour l’analyse du tournant de l’espace Schengen. Dans le cadre de Solidarités Sans Frontières, coordination suisse du droit d’asile, Longo Mai continue un travail actif sur le terrain du droit d’asile.
[1] Ligue Suisse des Droits de l’Homme, La Forteresse européenne et les réfugiés, Lausanne, Editions d’En bas, 1985, édition des Actes des Premières Assises, les Assises suivantes ont été éditées en Belgique. (Voir base de données).
[2] Coordination Asile Suisse, MODS, SOS-ASILE VAUD, Europe ! Montrez Patte blanche. Les nouvelles frontières du « laboratoire Schengen », éd. CETIM, Genève, 1987. Livre en libre accès sur le site.
BUSCH Nicholas, Baustelle Festung Europa, Drava Verlag, Klagenfurt 2006.
GRAF Trixie, Adieu : Nicky nous a quittés (23.09.2005).

Maren ULRICKSEN-VIÑAR, Marcelo VIÑAR (psychanalystes). QU’EST-CE QUE LA « DEMOLITION »? FRACTURAS DE LA MEMORIA
Maren Ulricksen et Marcelo Viñar, un couple ami de psychanalystes (respectivement chilienne et uruguayen), en tant qu’exilés forcés d’Uruguay en France ont fait partie du groupe de fondation du Groupe de Genève « Violence et droit d’asile en Europe ». Depuis lors, une étroite collaboration amicale et d’élaboration de réflexions et de production de textes a suivi tout au long des années. L’apport de leurs expériences et réflexions sur la torture en terme de « démolition », en réfléchissant sur les « fractures de la mémoire », les « fragmentations et les responsabilité », sont des apports inestimables de leur part. Elles nous ont conduit, à partir de l’expérience du lien avec une réfugiée chilienne en Suisse et du Collège International de Philosophie au Chili en 2010 – Teresa Veloso – à développer un travail critique sur le concept de « dictature » en approfondissant les interrogations sur la la torture, la répression en tant que « violence extrême », sur les approches victimaires et humanitaires, techniques de la torture et à interroger une spécificité philosophique, politique, épistémologique entre les politiques sur la torture et les politiques de disparitions impliquant des ruptures critiques dans l’approche de la violence extrême dans le champ de la migration et du droit d’asile.
Marcelo N. VIÑAR, L’énigme du traumatisme extrême. Traduction française.

Rembandt, Auto-portrait avec une casquette, la bouche ouverte. Gravure, 1630.
François RIGAUX[7], Christophe TAFELMACHER, Jean-Michel DOLIVO, Karine POVLAKIC, Andreas AUER, Ivor JACKSON, Monique CHEMILLIER-GENDREAU, Vera GOWLAND, Jean-Yves CARLIER[8], Iside GJERGJI, juristes, avocats, chercheurs en droit : droit, politique, philosophie. Droit constitutionnel et démocratie. Droit d’asile individus et groupes : guide et procédures (HCR). Droit international. Etat de droit et violence d’Etat, lacunes, apories du droit, droits de l’homme (DH), droit de la guerre (droit international humanitaire), droit d’asile ; force et droit, force et puissance.
La question des étrangers implique un droit d’Etat aux frontières, lié à la sûreté. Le « pas suspendu de la cigogne » (film d’Angelopoulos) est l’image du droit d’asile suspendsu, atopos aux frontières (Jean-Yves Carlier). L’analyse du droit s’est avérée indispensable au fur et à mesure que se transformait la violence d’Etat. Le rapport exigeait d’intégrer des travaux sur le statut du droit dans un contexte de violence (Marx, Arendt, Benjamin, Derrida[9]) les rapports entre droit et force. Une liste ci-dessous de quelques embarras du droit appris en travaillant avec des avocats, juristes, chercheurs en droit au fil du temps[10]. Le droit ne se limite pas à sa définition en regard du concept de « souveraineté » de l’Etat théorisé dans le droit international et institutionnalisé dans le Conseil de sécurité de l’ONU dans l’impasse (Chemillier-Gendreau). Quelques titres d’articles en donnent un exemple : Les aléas des développements sécuritaires et les droits de l’homme après 2001 et dans le champ migratoire (Vera Gowland) ; Le droit constitutionnel et la démocratie suisse (Andréas Auer) ; L’Etat de droit et ses apories (Dolivo, Gjerghi) ; La distinction, les tensions entre les corpus des droits de l’homme (DH) et du droit international humanitaire, droit de la guerre (Rigaux), dans le pays, siège du CICR ; Le démantèlement du droit d’asile, les limites du droit d’asile individuel, penser l’émergence de groupes cherchant protection, les attaques du HCR de l’ONU des années 1970-1980 (Ivor Jackson) ; Les dilemmes de l’avocat devant les démantèlement des droits et ceux d’autres professionnels et militants, des tribunaux populaires pour en débattre (François Rigaux, Christophe Tafelmacher, Iside Gjergji) ; l’aporie entre la migration, le droits et la liberté de se mouvoir (Jean-Michel Dolivo) ; Les étrangers absents du droit ou réduit au droit administratif (Philippe Bois, Danielle Lockak), etc.…
Le travail indispensable avec des chercheurs en droit mentionnés[11], en philosophie Karl Marx, Jacques Derrida, Hannah Arendt, Cornelius Castoriadis, Etienne Balibar, etc. ont accompagné notre réflexion philosophique sur le droit dans le domaine des étrangers, le mensonge politique, des apories de Schengen, des politiques migratoires et du droit d’asile, de la citoyenneté, du chômage, tout au long des années.
CARLIER Jean-Yves, François Rigaux, Le droit vivant, Annales de droit de Louvain, (2014).
RIGAUX François, Aux frontières du droit, de l’aide humanitaire et de la politique, (1993).
RIGAUX François, Quelle force au service de quel droit ? (2004).
CALOZ-TSCHOPP Marie-Claire, Derrière le droit, le spectre de la justice, (2004).
Lockak Danièle, Etrangers de quel droit ? Paris, PUF, 1985.
CHEMILLIER-GENDREAU Monique, « Vers des jours heureux…. », Médiapart, 28 avril 2020.
Marie-Jean BOREL (philosophie), Gérald BERTHOUD (anthropologie):
Dans une trajectoire académique institutionnelle où on peine à sortir des abstractions et des jeux de pouvoir sans envergure, il est peu d’enseignant.e.s dont la marque, reste une trace lumineuse indélébile avec les années. Avoir eu comme enseignant.e Marie-Jeanne Borel à l’Université de Lausanne a été une chance incroyable. Elle s’intéressait de près à ses étudiant.e.s et favorisait leur désir de création, d’émancipation. Rien ne lui faisait peur. Elle encourageait à aller au bout des questionnements. C’était une professeur de philosophie, d’épistémologie, de logique et de sémiologie ouverte à la vie, aux faits, à l’histoire, au monde, aux sciences dans ses rapports avec la philosophie, ce qui n’est de loin pas toujours le cas dans le domaine de la philosophie. Sa liberté, sa curiosité non conformiste, sa grande qualité intellectuelle, sa rigueur, son originalité dans le travail, sa présence chaleureuse m’ont appris à considérer l’acte de penser comme une activité créatrice intime, individuelle et collective très concrète, ancrée dans le réel et qui ne déniait pas les ambiguïtés, les contradictions et les apories. Je me souviens encore d’une de ses métaphores : faire de la philosophie, c’est comme un menuisier qui fabrique une chaise. Il a un besoin d’un schéma pour la chaise, il se pose des questions, il élabore son schéma, il résout des difficultés et son travail du bois est à la fois très matériel et très intellectuel pour obtenir un résultat. Wittgenstein et Marx n’étaient pas très loin. Je lui suis immensément reconnaissante.
Une philosophe ayant fait sa thèse sur le problème du sujet dans la philosophie et le langage chez Jean Piaget – qui reprenait les questions de Kant -, spécialiste du constructivisme de Jean Piaget, une passionnée de sémiologie, et de logique naturelle, prof. d’épistémologie et de logique, directrice de recherche en sémiologie au FNSRS collaboratrice du logicien Jean-Blaise Grize, directeur du centre de Sémiologie de Neuchâtel, qui a développé des travaux en logique naturelle, l’analyse de la pensée quotidienne dans des pratiques diverses, m’ont ouvert la voie vers une approche matérielle, concrète, conceptuelle, langagière, sémiologique de l’activité philosophique et de l’élaboration de concepts.
Un professeur d’anthropologie qui a organisé un séminaire avancé avec Cornelius Castoriadis auquel j’ai participé, m’a ouvert la voie vers la découverte de l’homme et de l’œuvre de Castoriadis à l’époque de mes études en philosophie, en histoire et en sciences politiques. Je suis « tombée » sur un texte fondateur de Castoriadis qui a déterminé mon choix d’auteur, de thème pour mon mémoire de philosophie et surtout depuis lors, a orienté mes recherches sur l’autonomie et la démocratie et sur ce que Castoriadis a appelé « l’ontologie politique » pour penser l’institution imaginaire de la société: La découverte de l’imagination. J’y ai exploré des concepts-moteurs : imagination radicale, institution imaginaire de la société, société instituante et instituée, autonomie, autogouvernement, « germe » démocratique, création humaine… J’y ai repéré une approche par Castoriadis de l’ontologie politique, éloignée des travaux de Heidegger très présents à l’Université de Lausanne.
Marie-Jeanne Borel a présenté une approche remarquable de la praxis philosophique insérée dans l’histoire. Elle m’a beaucoup encouragée et elle a dirigé et suivi de près mon mémoire sur Castoriadis. Partir de la découverte de l’imagination, ses liens à la pensée active, pour explorer, bien plus tard, l’ontologie politique, la création et l’autonomie (auto-nomos), la démocratie (demos-cratos) a été une colonne vertébrale de mon travail philosophique.



BAKHTINE Mikaïl, Pour une philosophie de l’acte, éd. L’ Age d’homme, Lausanne, 2003.
Cornelius CASTORIADIS (militant politique, philosophe, psychanalyste)
Helbling Claude, bibliographie complète de Castoriadis.
Choix de textes de Castoriadis
AGORA INTERNATIONAL, Loget François, Ames Curtis David, Entretien avec Castoriadis à Cerisy, 1990.
CASTORIADIS Cornelius, « Nous devrions être les jardiniers de cette planète », Le Monde diplomatique, décembre-janvier 2016.
Choix de textes sur Castoriadis
N.B. Parmi une très abondante littérature sur Castoriadis, retenons quelques travaux et publications résultant de contacts directs avec les auteurs qui ont apporté leur texte pour le projet.
FRESSARD Olivier, L’actualité d’une pensée radicale, 2020.
ODERMATT Omar, Repenser les institutions et l’émancipation avec Castoriadis (2019).

CURTIS David, Le thème de la montée de l’insignfiance dans l’œuvre de Castoriadis et annexes.

Laurent MONNIER (politologie): APARTHEID, MARCHE DE L’ASILE ET POLITIQUES MIGRATOIRES
La rencontre d’un politologue qui avait vécu, travaillé 10 ans au Zaïre, avant d’enseigner les Sciences politiques aux Universités de Lausanne puis de Genève, sa manière critique d’aborder les politiques migratoires et du droit d’asile ont été déterminantes, à la fois par son engagement personnel lié au travail théorique, son attention aux terrains, aux dispositifs, aux outils et par son élaboration théorique qui entremêlait les relations internationales, la science politique et la littérature, et qui accordait une grande importance au travail entre des domaines divers des savoirs « déplacés » (immigration, colonisation, apartheid, féminisme, racisme, rapports « nord-sud », marché de l’asile). Il est à l’origine du l’usage de la notion d’apartheid, – désignant de type de régime d’Afrique du sud –, dans les politiques migratoires. Il désignait ainsi la « séparation » entre « nationaux » et immigrés sans passeport suisse. Notons par ailleurs, qu’il n’est pas courant qu’un professeur de l’Université de Lausanne, reçoive un blâme des autorités cantonales (Vaud) pour avoir choisi comme thème d’actualité d’un de ses séminaires : l’analyse du statut du saisonnier en Suisse en débat.
MONNIER Laurent, L’apartheid ne sera pas notre passé. Il est notre avenir. Leçon d’adieu, Université de Lausanne. Un concept-clé pour comprendre la politique d’asile en Suisse (1988). Leçon d’adieu à l’Université de Lausanne (1988, au moment des expulsions de refugiés zaïrois, dont Musey et Maza).
PARIN Paul (né à Polzela en Slovenie en 1916 et décédé à Zurich en 2009), médecin, chirurgien, fondateur du Séminaire psychanalytique de Zurich (PSZ), sur les sociétés africaines, appliquées aussi aux cultures et sociétés européenne, voyageur dans divers pays africains avec Fritz Morgenthaler (voir son livre Les blancs pensent trop, Payot 1966).
Paul Parin est un des initiateurs du mouvement d’ethnopsychanalyse avec Georges Devereux. Il a développé son orientation de recherche dans deux ouvrages en allemand (non encore traduits en français) : « Der Widerspruch im Subjekt » (la contradiction dans le sujet en 1978, et « Subjekt in Widerspruch » (le sujet dans la contradiction) en 1988. Laurent Monnier a parlé souvent de Paul Parin en signalant notamment un film d’étudiants de Paul Parin qui montrait la répression policière,qui a utilisé des balles en caoutchouc contre les manifestants, sur la scène ouverte de la drogue, Le Letten, évacuée en 1992 par la police qui résumait la non-politique de la drogue se limitant à la répression policière à l’époque à Zurich. Ces heures sombres de Zurich qui font partie de l’inconscient collectif en Suisse, ont été racontées dans un film de fiction sorti en 2020, réalisé par Pierre Monnard, Les enfants du Platzsptzbaby). A Genève, grâce à la médecin Annie Mino, chilienne exilée à Genève, et au Conseiller d’Etat Guy-Olivier Segond, une politique de la drogue a été mise en place sur des bases très différentes. S’est-elle inscrite dans la mémoire de Genève ?
Maja Wicki-Vogt qui est venue à un des colloques sur Hannah Arendt à l’Université de Lausanne a fait partie du Séminaire de Paul Parin.
Parin Paul, Trop de diables dans le Pays, Paris, éd. L. Mauguin, 1993, ISBN : 2-912207-02-9[1].
Voir aussi, Solioz Christophe, Voyage au bout de l’utopie (sur Paul Parin), Paris, éd. L’Harmattan, 2016.

Pierre DASEN, (psychologie interculturelle de l’éducation) : approche interculturelle du développement ; apport interculturels à la psychologie piagétienne ; pédagogie, psychologie et ethnocentrisme ; démarche de recherche ; méthode comparative ; éducation informelle et apprentissage ; intelligence (cognition) et concept spatial du développement ; théories éducatives ; globalisation, migration, droits de l’homme ; action tragique du personne du service public.
L’énoncé de mots-clés ci-dessus (liste non exhaustive) suffit à montrer l’étendue de la curiosité scientifique et humaine de Pierre Dasen, grand voyageur par ailleurs et de ses recherches. J’ai connu Pierre Dasen, alors que j’étais au chômage après cinq ans d’assistanat en épistémologie à l’Université de Lausanne tout en participant à la création d’un mouvement de défense du droit d’asile, et à la défense des droits d’un requérant d’asile accusé de « mise en sécurité de l’Etat » (ce qui s’est avéré sans fondement), un tel thème étant difficilement compatible avec un travail de formation et de recherche universitaire. Il a lu ma lettre de recherche de travail à un moment de précarisation professionnelle alors que les politiques du droit d’asile se durcissaient et m’a engagée à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de l’université de Genève comme assistante, et m’a intégrée aux enseignements et au groupe de recherche, tout en appuyant le projet de doctorat défendu à l’Institut d’Etudes International à Paris (IEP) sur l’œuvre de Hannah Arendt. En tant que professeur ordinaire de l’Université de Genève, il a beaucoup encouragé la création du Groupe de Genève « Violence et droit d’asile en Europe ». Ses recherches scientifiques ont un renom international, ce qui ne l’a pas empêché de suivre de prés les politiques migratoires et du droit d’asile en lien avec les sciences de l’éducation en Suisse.
Le passage dans mon travail d’une philosophe spécialiste de Piaget, épistémologue en philosophie (M.J. Borel) vers un psychologue spécialiste du constructivisme de Piaget élargi aux approches interculturelles, m’a fait comprendre les recherches menées par Pierre Dasen notamment le rapport entre espace, intelligence et culture, leurs enjeux. Son groupe de travail où se mélangeaient toutes sortes de nationalités, de compétences, d’expériences m’a permis une approche dynamique, créative de « l’interculturel », que pour ma part j’observais à l’œuvre dans les dispositifs d’Etat des politiques migratoires et du droit d’asile depuis la philosophie (épistémologie, sémiologie, puis philosophie politique). Avec son appui, j’ai pu ensuite prendre la responsabilité de deux recherches interdisciplinaires, l’une sur les migrations et les droits de l’homme, l’autre sur les dilemmes des professionnels du service public (secteur des requérants d’asile, des chômeurs) et travailler à la Faculté de médecine en action humanitaire durant huit ans. La coexistence étroite chez Pierre Dasen, ancien assistant de Jean Piaget, d’une passion de la recherche transnationale très pointue et exigeante, d’une grande écoute et d’une attention très ouverte aux personnes, aux situations de la création d’un espace d’amitié, m’a beaucoup appris !
DASEN R. Pierre, Liste de publication (anglais, français), 2020.
Michèle LE DOEUFF, philosophe féministe, auteure dramatique, les femmes et la philosophie, l’imaginaire philosophique, le sexe du savoir.
La rencontre avec Michèle Le Doeuff durant son court passage à l’Université de Genève avant qu’elle démissionne, a été la possibilité d’envisager qu’il n’y avait pas de clivage entre histoire, politique et philosophie, que les luttes féministes concernaient aussi le savoir philosophique, que la révolte, la polémique étaient constitutive du travail philosophique, d’autant plus quand on est femme vivant un conflit entre le rouet et les livres. Elle a assumé une posture qui l’a amenée à démissionner d’un poste académique pour défendre une démarche philosophique féministe libre. Ses recherches sur le « sexe du savoir », l’imagination, aussi le fait des femmes minoritaires dans la science et la philosophie, était à la base des découvertes scientifiques et philosophiques, qu’il n’était pas nécessaire d’être toujours du côté de la toute-puissance pour philosopher.
Michèle Le Doeuff, L’étude et le rouet, Éd. Seuil, 2008.
Colette GUILLAUMIN (sociologie, féminisme, féministes matérialistes), idéologie raciste, sexage, appropriation, penser dans l’histoire, Nicole-Claude Mathieu, quand céder n’est pas consentir, Paola TABET, continuum de la violence
La rencontre avec Colette Guillaumin invitée à l’Université de Lausanne par Laurent Monnier en 1977, a été déterminante dans ma vie, mes recherches (racisme, sexisme, féminisme) et aussi dans ma démarche épistémologique et méthodologique en philosophie. C. Guillaumin accordait, dans toute démarche de penser, une importance primordiale aux résistances, intimes, individuelles, collectives à penser comme base méthodologique pour engager toute recherche. Avec elle, j’ai appris à penser dans un travail collectif inscrit dans l’histoire et les mouvements sociaux, à repérer des pièges du conformisme intellectuel. J’y ai découvert la radicalité de ses travaux sur l’idéologie raciste, le sexisme et son interrogation sur les bases historiques et « scientifiques » de théories racistes articulées à la violence, pouvant se traduire en meurtre de masse. Nous avons développé une relation de travail et d’amitié qui a duré 40 ans jusqu’à son décès en mai 2017. Sa générosité dans la lecture de mes textes et ses commentaires critiques ont été fondamentaux. Des concepts comme celui d’idéologie raciste, de naturalisation, d’essentialisation, de matérialisme, de sexage, d’appropriation, ont été autant d’ancrages, de concepts-moteurs de mon propre travail.
GUILLAUMIN Colette, L’idéologie raciste, (1970), 2000, Poche Point-Essais.
DOUGLASS Frederick, Mémoires d’un esclave, Montréal, éd. Lux, 2004 (un livre sur la liberté dont nous avons beaucoup parlé avec Colette Guillaumin, lien entre l’esclavage et le féminisme).
LESSELIER Claudie, « Femmes, exils et politique en France depuis 1970 », 2006.
QUESTIONS FEMINISTES no. 1, Variations sur des thèmes communs, 1977.
VARIKAS Eleni, « Egalité », Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, 2000, pp. 54-60.
Abdelmalek SAYAD, (sociologie de la migration) : Migration provisoire, migration, national-non national ; altérité dans Schengen
L’influence des travaux en sociologie de l’immigration algérienne en France et des liens qui se sont établis avec A. Sayad a été déterminant dans la fondation du Groupe de Genève « Violence et droit d’asile en Europe » et pour mon propre travail pour aborder et penser la migration comme fait social « total ».
Tout en travaillant en philosophie, en sémiologie sur les discours d’expulsion et de violence d’Etat, je désespérais de pouvoir établir le lien entre le travail de terrain dans la défense des droits des requérants d’asile qui passaient dans les permanences citoyennes d’asile, et la philosophie, mon domaine de recherche, pour écrire une thèse liée à mon travail d’assistance en philosophie à l’Université de Lausanne. Abdelmalek Sayad, sociologue algérien originaire de Kabylie, m’a fait découvrir l’œuvre de Hannah Arendt, dont l’oeuvre a fait l’objet de ma thèse de doctorat : Les sans-Etat dans la philosophie de H. Arendt. « Le droit d’avoir des droits », la superfluité humaine (Human superfluity) et la citoyenneté, publiée en 2000. Que dire de l’expérience étonnante de curiosité scientifique aiguë, de décentration, de décolonisation, de désimpérialisation des savoirs et des modes, conditions de circulation des idées, quand un sociologue immigré, spécialiste de l’immigration, algérien de Kabylie, conseille de lire une philosophe et théoricienne politique juive, allemande, forcée à l’exil aux Etats-Unis ?
YACINE Tassadit, JAMMET Yves, de MONTLIBERT Christian, Abdelmalek Sayad. La Découverte de la sociologie en temps de guerre, Paris, éd. Nouvelles Cécile Defaut, 2013.
Préface de Tassadit Yacine, pp. 7-17.
SISSANI Fatima, La langue de Zahra, 2011.
SAYAD Abdelmalek, L’asile dans « l’espace Schengen » : la définition de l’Autre (immigré ou réfugié) comme enjeu des luttes sociales.
Hocine Aït Ahmed (1926-2015). Une des 9 personnes en Algérie qui ont déclenché la lutte pour l’indépendance algérienne. Longue trajectoire politique et d’exil à Lausanne (Suisse) où il est décédé.
J’ai eu l’occasion de faire sa connaissance, parmi de nombreuses autres personnes dont, le sociologue A. Sayad, en organisant sous l’égide de la Ligue suisse des droits de l’homme et de la Fédération internationale des droits de l’homme (Paris), les Premières Assises européennes sur le droit d’asile et les suivantes en Belgique, à Rome, à Genève (voir base de données). Comme d’autres algériens, il était, exilé en Suisse, à Lausanne. Cette expérience de collaboration m’a appris au moins quatre choses:
- Le poids du droit international et des droits de l’homme dans les processus de libération des nations et des peuples colonisés, ses suites, les difficultés, voire les dérives d’un processus « révolutionnaire » ;
- La signification du principe de « réciprocité » en droit et ce que signifie la pratique des visas, un des outils des politiques de migration que l’on retrouve dans les outils d’Etats d’immigration et de Schengen. Lors d’une invitation à Alger pour une rencontre internationale, j’y suis allée en n’intégrant pas l’exigence d’un visa depuis Genève. J’ai été bloquée à l’aéroport d’Alger durant une nuit, en dormant sur le sol et j’ai dû reprendre l’avion dans l’autre sens sans pouvoir entrer en Algérie. Un haut fonctionnaire de l’aéroport m’a expliqué : « c’est le principe de réciprocité, Madame. La Suisse vient d’instaurer un visa pour les algériens » ;
- Lors du décès de Hocine Aït Ahmed, des funérailles ont eu lieu dans son village natal en Kabylie (Aït Yahia dans l’actuelle wilaya de Tizi Ouzu). A Alger, puis dans les montagnes de Kabylie j’ai assisté à des funérailles auxquelles ont participé un million de personnes (le même chiffre que pour Victor Hugo !). J’y ai constaté la puissance d’expression d’un « peuple » dont Hocine Aït Ahmed et bien d’autres algériens et internationalistes ont défendu non pas d’un séparatisme, mais les droits et la lutte pour un Etat socialiste et pluraliste. J’ai pu voir sur ce terrain, les liens aporétiques entre peuples-nations-Etat signalés par Hannah Arendt, étudiée par les austro-marxistes et Claudie Weil évoqués aussi dans la banque de données. Elle est la réalité de bien d’autres exilés et peuples (palestiniens, ex-Yougoslavie, Inde-Pakistan, Sri-Lankais, Kurdes, etc.) qui fait partie des contraintes de beaucoup de migrants ;
- En passant dans un village de Kabylie pour arriver au lieu de l’enterrement, j’ai passé devant un monument aux morts d’ouvriers algériens. Ils avaient participé le 17.10.1961 à Paris, à une manifestation pacifique noyée dans le sang par la police française. Maurice Papon, condamné plus tard pour crime contre l’humanité, pour collaboration avec les nazis dans le génocide des juifs de France, en était le responsable.
Denis VON DER WEID (économie, droit, transfert de technologies appropriées dans des projets en Inde, en Afrique, etc., solidarité internationale, lutte contre la torture).
Nous avons travaillé ensemble, avec l’aide de l’avocat Jean-Bernard Waeber et d’un Comité de voisins très courageux du quartier de la Jonction à Genève pour défendre les droits d’un réfugié zaïrois, expulsé de Suisse avec sa famille après 15 ans de séjour en Suisse : Alphonse Maza, sa femme Béatrice et ses 3 enfants, nés à Genève. Ce cas emblématique d’un tournant sécuritaire en Suisse et en Europe nous a fait connaître ce que pouvait cacher l’accusation de « mise en cause de la sécurité de l’Etat » (le dossier s’est avéré vide), en fait l’application sans base légale de mesures « antiterroristes », son emprisonnement et l’expulsion à Cuba de toute la famille après presque 3 ans de lutte du mouvement. La famille a trouvé refuge plus tard en Belgique. Ce cas a permis de mesurer la violence policière, la violence d’Etat, la violation de l’Etat de droit, le mensonge politique, l’évolution sécuritaire. Il préfiguré la mise en place de la loi de contrainte (voir base de données), permettant d’arrêter des requérants sans délit pour pouvoir les expulser.
Hannah ARENDT (philosophie, théorie politique), sans-Etat et expulsion de soi, de la politique, du monde (acosmie), droit d’avoir des droits, Human superfluity. Rosa Luxemburg (thèse).
Une notion découverte, dans sa puissance évocatrice et de mobilisation, « le droit d’avoir des droits », (The right to have rights) en lisant le fameux chapitre V de L’impérialisme (vol II des Origines du totalitarisme, 1972) dans le cadre de la thèse, tout en travaillant sur les réfugiés a pris un sens à la fois politique et philosophique pour le mouvement d’asile et le travail philosophique. Plus tard, la notion de « human superfluity », découverte après-coup en démontant la résistance à voir en face sa réalité, son sens, par un travail sur la compréhension dans l’œuvre d’Arendt, a enrichi le passage du concept sociologique « d’exclusion », à une philosophie politique « d’expulsion » concept trouvé chez Arendt. A la suite de ce virage, ont succédé les travaux sur l’histoire du XXe siècle, sur la violence (génocides, torture, disparition, guerre « totale ») pour en dégager le sens philosophique et politique. H. Arendt s’est, elle aussi beaucoup inspirée de l’œuvre de Rosa Luxemburg, comme de celle de Marx comme l’a bien montré Anne Amiel. En dégageant les Origines du totalitarisme, elle a montré en quoi consistait ce qu’elle a appelé un « régime politique sans précédent » et le bouleversement radical à la fois existentiel et théorique. Lire Arendt n’a pas signifié pour moi de devenir « arendtienne », mais tenter de saisir ce qui dans l’histoire du XXe siècle l’avait obligé à refonder la philosophie, la théorie politique, l’ensemble des savoirs. Cela n’a pas empêché une approche critique d’une œuvre située.
En bref, tout en s’appuyant pour un 90% sur les sources disponibles sur le nazisme, Arendt a assimilé nazisme et stalinisme[14] et sousestimé le fascisme. Ne disposant pas des travaux critiques post-coloniaux sur le racisme, tout en s’arrêtant aux théories racistes, elle n’a pas approfondi non plus les liens entre la violence de l’impérialisme (effet boomerang qu’elle reprend de Rosa Luxemburg, sans l’approfondir) et la colonisation comme l’ont signalé des travaux (voir texte de Mbele dans la base de données). Ces faits rapidement rappelés, suffisent à montrer que toute oeuvre s’insère dans l’histoire et les débats qui se succèdent et qu’une des difficultés d’une lecture critique est de ne pas absolutiser un texte en imaginant qu’il décrit la totalité de l’essence du réel. Il en découle au moins deux conséquences épistémologiques:
- Situer un texte en tant que discours dans des rapports de pouvoir, des temporalités, des espaces, des appropriations pour de multiples intérêts à décoder.
- Situer sa propre lecture critique (depuis où se lit une œuvre, en débat avec qui et pour tenter de répondre à quelles questions ?). J’ajouterais que j’ai été frappée par des critiques formulées par des hommes à une femme (aurait-on abordé des questions qu’on a posé à Arendt, si elle avait été un homme ?).
En lien avec l’œuvre d’Arendt, j’ai été très intéressée par les travaux d’Anne Amiel, spécialiste de l’œuvre d’Arendt et de son interrogation sur la question de penser la révolution en la faisant, qui a accompagné notre travail tout au long des années.
Les développements d’Amiel, hormi sa lecture des liens Marx-Arendt, dans son Essai sur la révolution, et la distinction entre violence et révolution est devenue un embarras à explorer dans son œuvre et dans de multiples œuvres étudiées dans les sciences sociales. Il est évident qu’Arendt a été influencée, comme chacun.e., par les rencontres, les lieux depuis où elle a réfléchi, et elle a agit. L’influence de Rosa Luxemburg sur l’impérialisme a été un acquis qu’elle a repris dans L’impérialisme. Arendt faisait partie d’un peuple qui a été menacé d’extermination au XXe siècle en Europe. Elle a vécu en Allemagne jusqu’à sa fuite, puis en exil aux Etats-Unis.
La collaboration avec Ilaria Possenti, spécialiste de l’œuvre de Arendt, intéressée par l’évolution des politiques du travail, a été très précieuse, surtout au moment du travail sur le livre Violence et Civilité de Balibar à Istanbul et plus tard pour l’écriture d’un chapitre sur Arendt dans mon essai de 2019.
Le film de Margarethe Von Trotta, est axé sur les recherches d’Arendt sur la pensée en tant qu’activité, qu’elle a développé à partir d’embarras (réduction de la pensée à la contemplation, distinction entre la pensée et la raison), dans son livre La vie de l’esprit[15].
ARENDT Hannah, extrait, Les origines du totalitarisme, Point-poche, vol. 2, 1972, p. 3.
Choix de textes d’Arendt
ARENDT Hannah, 1972, La Crise de la culture.
ARENDT Hannah, Condition de l’homme moderne, Agora, Paris, 1983, 244-246.
ARENDT Hannah, La vie de la pensée. Où est-on quand on pense ? Paris, PUF, 1981, p. 224-226.
Rony BRAUMAN, (réflexion critique sur l’humanitaire, sur la désobéissance et la mémoire, sur les guerres humanitaires)
En travaillant dans l’action humanitaire à l’Université de Genève, j’ai eu l’occasion de collaborer avec le médecin Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, en lisant ses textes sur l’action humanitaire[16], en travaillant sur le film qu’il a fait avec le cinéaste Eyal Sivan, Le Spécialiste, portrait d’un criminel moderne, qui a été une interprétation en débat avec les historiens, les philosophes sur le cas d’A. Eichmann, sur la base du livre de H. Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, Paris, éd. Gallimard, (1963). Avec le film ils ont publié, Eloge de la désobéissance, Paris, éd. Le Pommier, 1999. Comment un homme ordinaire est-il devenu le complice actif de la mise à mort de millions de personnes ? En mettant au-dessus de tout les valeurs de l’obéissance et du travail bien fait (questions de présentation du film). En fait, il revenait d’un terrain en Afrique où il avait assisté à des crimes contre l’humanité, Rony Brauman interrogeait sa pratique de médecin humanitaire sur des terrains multiples des « guerres humanitaires », leurs liens aux politiques étrangères et aussi au révolutions[17] et il s’est mis à lire Hannah Arendt lui aussi. En ce qui me concerne, en m’interrogeant sur le « marché de l’humanitaire », sur l’effacement des droits par l’humanitaire, sur les transformations de la guerre, c’est le lien entre l’activité de penser et la désobéissance qui était ma question. Est-ce que penser nous empêche de faire le mal, se demandait Arendt[18], dans un livre remarquable écrit 10 ans après le procès Eichmann.
Claudie WEIL, (histoire des peuples, Rosa Luxemburg), le casse-tête Peuples-Nations-Etats.
Les travaux de l’historienne Claude Weil, sur les Peuples et Nations, ont enrichi mon approche d’Arendt sur les sans-Etat, par ses travaux sur le casse-tête Peuples-Nations-Etats. Claudie Weil, spécialiste de Rosa Luxemburg, a marqué mon travail alors que je me heurtais, sur le terrain de la migration, aux apories de la fameuse trilogie peuple-nations-Etat avec les avatars, les contradictions indépassables dans l’histoire des rapports de pouvoir. Grâce à elle, j’ai pu connaître le rôle important des marxistes autrichiens dans les années 1920 sur la question des « nationalités », des peuples toujours présents aujourd’hui alors que domine le système d’Etats-nations fragilisé aux prises avec les forces de la globalisation. J’ai pu également apprendre d’elle à avoir une approche critique de Rosa Luxemburg. Nous avons eu une discussion importante quelques jours avant sa mort.

Ghislaine GLASSON DESCHAUMES. Transeuropéennes, Europe et traduction, culture. Europe, frontières, guerres et marche pour la paix.
Ghislaine et son mari, avant son décès, ont été des éveilleurs très actifs d’un mouvement de politique culturelle de l’Europe en se déplaçant dans les instances européennes, aux frontières de l’Est et du nord de la méditerrannée où des colloques ont été organisés. L’important travail de Transeuropénnes en plusieurs langues reste un modèle (revue de grande qualité, rencontres, actions, travail multimédias, etc.).
Transeuropéennes, revue internationale de pensée critique
Zarana PAPIC
PAPIC Zarana, Kosovo war, Feminist politics and Facism in Serbia
Enzo TRAVERSO (histoire du XXe siècle). « Totalitarisme », la gauche, les intellectuels, l’histoire des violences dont la « solution finale » et la guerre civile, l’échec des révolutions du XXe siècle… la mélancolie, le deuil incitant à l’action, etc..
Nous nous sommes croisés il y a plusieurs années dans un couloir à l’Université de Venise, où nous étions tous les deux invités pour enseigner et partager nos recherches avec des étudiant.e.s du Master sur les politiques d’immigration. L’occasion ne s’est pas donnée de nous parler. Il y avait pourtant beaucoup de choses dont nous aurions dû parler à partir de nos engagements, lectures respectives de l’œuvre d’Arendt (histoire, philosophie), le fascisme, la violence, la révolution, les rapports entre histoire, philosophie et politique, le statut problématique de nos domaines de travail, etc.. Depuis mon travail sur Hannah Arendt, Rosa Luxemburg et les XIXe-XXe siècle, j’ai lu, travaillé régulièrement sur les publications de cet historien avec un grand intérêt. J’ai constaté, qu’à l’image de beaucoup de travailleurs intellectuels, de militants précarisés, il faisait partie des intellectuels souterrains (italiens en exil aux Etats-Unis, et pas nommé en France, en Italie, par exemple, alors que tout son travail concernait l’Europe). Une certaine extériorité, le fait de travailler sur beaucoup de frontières…. Devant certaines trajectoires on en arrive à se poser des questions sur des expulsions de certains intellectuels. Très brièvement, faut-il parler d’expulsion d’une certaine « vérité » historique qui se heurte à des résistances solides, on pourrait même aller jusqu’à penser à des formes insidieuses d’interdiction professionnelle qui dans des institutions officielles, touchent des travailleurs intellectuels portugais, africains, italiens, etc. ? Les archives de l’histoire intellectuelle européenne marquée par le colonialisme, l’impérialisme, l’anti-communisme, etc. depuis les défenses de privilèges, les trous, les censures, reste à faire à partir des rapports de classe, de race, de sexe.
TRAVERSO Enzo, L’histoire déchirée. Essai sur Auschwitz et les intellectuels, Cerf, 1997.
TRAVERSO Enzo, Le passé, mode d’emploi. Histoire, mémoire, politique, La Fabrique éditions, 2005.
TRAVERSO Enzo, La violence nazie. Une généalogie européenne, La Fabrique éditions, 2002.
TRAVERSO Enzo, Mélancolie de gauche. La force cachée d’une tradition cachée (XXe-XXIe siècle), Paris, La Découverte, 2016. Livre dédié à Michaël Lowy
Silvia AMATI SAS, (psychanalyse clinique et théorique), articulation travail clinique à l’histoire et à l’élaboration théorique, psychanalyse et violence sociale, mégamorts, symbiose, ambiguité, cadre, ambivalence, conformisme, adaptation « à n’importe quoi », torture et « objet à sauver », José Bleger, desaliento, alarme éthique.
Silvia Amati Sas, psychanalyste argentine à Genève puis en Italie, son travail clinique et théorique sur la violence sociale et la torture, traversée par la dialectique historique et contemporaine sur le déterminisme et la liberté, et en particulier sur ce qu’elle a appelé « l’objet à sauver » a été un acquis sur les ressources insoupçonnées de résistance à la violence allant aux extrêmes, dans un contexte où la victimologie, les discours humanitaires et technocratiques dominaient dans les approches sur la torture et dominent encore dans l’abord de la violence sociale. Par ailleurs, son apport sur l’œuvre de Jose Bleger, la mise en exergue de ses concepts de noyau agglutiné, d’ambiguité, par Silvia Amati Sas et ses collègues psychanalystes a été déterminante dans la recherche sur les dilemmes des professionnels du service public présentée plus loin et pour repenser des difficultés et potentialités des luttes de résistance. Son article sur « mégamort », à un moment historique où les scientifiques s’interrogeant sur la bombe atomique a été une démarche « fondamentale » interrogeant les limites de l’imagination, de la pensée face à Hiroshima, qui est une des faces de la dialectique entre violence extrême et monde « fini ». Son article sur « l’objet à sauver » a été très important pour penser les liens entre déterminisme et liberté dans des situations « extrêmes » et l’émergence de l’importance des politiques de disparition.
Janine PUGET, violence d’Etat et psychanalyse, subjectivation discontinue.
L’accueil extraordinaire de Janine Puget à Buenos Aires et son intelligence aiguë ont été un apport inestimable à mes réflexions et à nos travaux. C’est elle qui a coordonné un livre important sur la psychanalyse et la violence d’Etat au moment de la terreur d’Etat en Argentine et qui a autorisé la reprise du livre (ci-dessous) dans le projet. Le lien qu’elle a posé entre clinique, formation et théorisation inscrit dans l’histoire et l’actualité est un modèle pour les professionnels psychanalystes et la philosophie. Lors d’un de mes passages à Buenos Aires, elle m’a invitée à aller visiter le mur des disparus se perdant dans la mer où étaient inscrits les noms de 30.000 disparus entre 14 et 30 ans pour la plupart, en clair l’extermination-disparition d’une génération dans un pays. Cette visite a marqué ma réflexion philosophique sur la disparition comme violence nihiliste « extrême » (voir dans la base de données).
PUGET J., KAES R. et al.,Violence d’état et psychanalyse, Bordas, 1989.
PUGET Janine, Subjetivación discontinua y psicoanálisis, Lugar Editorial, Buenos Aires, 2015.
Puget Janine, Faire avec l’incertitude, Paris, Chronique sociale, 2020.
Rada IVEKOVIC (philosophie) : GUERRE DE FONDATION, PARTITION, EUROPE, PHILOSOPHIE
Etienne Balibar, (membre co-fondateur du Groupe de Genève, avec une centaine de personnes de Suisse, d’Europe et d’ailleurs) est venu à Genève avec son texte sur Qu’est-ce qu’une frontière ? et surtout avec Rada Ivekovic, philosophe d’ex-Yougoslavie qui a amené un court texte avec elle : Une guerre de fondation en Europe. Ce texte, en provenance directe des événements d’ex-Yougoslavie, a été un éclat de lumière pour comprendre les transformations, les déplacements de la guerre et ses indicences aux frontières de l’Europe. Ses travaux sur la partition d’Etats a rejoint nos travaux sur l’apartheid par d’autrees voies. Nos échanges ont été continus sur la migration, les rapports sociaux de sexe. Ses travaux sur les philosophie indiennes, la post-colonialité en Inde, les déplacements épistémologiques ont accentué le besoin de « déplacement » de la philosophie alors que je travaillais dans le cadre du Collège International de Philosophie à Paris.
IVEKOVIC Rada, Réfugié-e-s, les jetables, Al Dante, Marseille-Berlin, 2016.
IVEKOVIC Rada, “On permanent translation”
Françoise PROUST: Analytique de la Résistance
Françoise PROUST , De la Résistance, les Éditions du Cerf, Paris, 1997.
Etienne BALIBAR (philosophie): MARX. SPINOZA. QU’EST-CE QU’UNE FRONTIERE ? EGALIBERTE, REVOLUTION, VIOLENCE ET CIVILITE, REVOLUTIONNER LA REVOLUTION ET LA PHILOSOPHIE
Nous avons été plusieurs à prendre connaissance en espagnol de « Lire le capital » à Medellin en Colombie à l’époque des travaux sur Le Capital de Marx par Althusser et son groupe de l’Ecole Normale Supérieure à Paris. Puis son travail sur Spinoza et la politique a été très marquant dans le parcours. Plus tard, Etienne Balibar a participé activement à la fondation du Groupe de Genève où il a fait un exposé sur Qu’est-ce qu’une frontière ?, qui a été un des textes fondateurs à un moment, où nous cherchions à formuler des interrogations sur la violence constatée sur le terrain des politiques d’immigration et du droit d’asile en Europe. Les contacts amicaux par la suite ont permis des apports précieux et continus à la réflexion philosophique et politique tout au long des années. En 2012, à Istanbul, la lecture de son essai Violence et Civilité a été déterminant pour approfondir les rapports entre violence extrême et civilité, en s’interrogeant sur la violence du capitalisme et aussi sur la violence révolutionnaire, comme le montre la publication des Actes de la rencontre d’Istanbul en 2012. Signalons qu’Etienne Balibar est en train de publier 8 volumes sur son œuvre à La Découverte. A ce jour, deux volumes sont déjà parus, Histoire interminable. Ecrits I ; Passions du concept. Ecrits II.
BALIBAR Etienne, La philosophie de Marx, Paris, La Découverte, 2001 (1993).
BALIBAR Etienne, Violence et Civilité, Contre-violence, une thèse (extrait).
André TOSEL (philosophie) : GRAMSCI, GUERRE, ÉCLAT DE COLÈRE, RAISON ET PRATIQUE
Etienne Balibar nous a fait connaître André Tosel, son collègue philosophe et marxiste, spécialiste en France de Gramsi. Nous avons collaboré dans plusieurs projets de Séminaires, de colloques. Les deux philosophes ont eu un passé commun au parti communiste français et leur expulsion de ce parti (guerre d’Algérie). André Tosel, spécialiste de Gramsci, trop méconnu en France, a développé une activité de formation et de recherche en philosophie, successivement à Besançon, à la Sorbonne puis au CNRS de Nice. Il a été une ressource en tant qu’historien a-typique, chevronné et critique de l’histoire de la philosophie, dont j’ai pu percevoir l’originalité, la qualité, dans ses écrits sur l’histoire du marxisme, Gramsci, Marx, Kant, Spinoza, de philosophies de l’action. L’Université de Nice est en train de mettre en place une Fondation avec l’ensemble de ses travaux.
TOSEL André, Etudier Gramsci, éd. Kimé.
Quelques références de travail
TOSEL André, Qu’est-ce qui m’a attiré vers Gramsci ?
TOSEL André, Rosa Luxemburg, Antonio Gramsci face aux promesses et ambiguïtés de la démocratie.
FICHET Brigitte, sociologue, Université de Strasbourg.
La collaboration interdisciplinaire et amicale avec Brigitte Fichet durant les huit années de mon travail au Programme d’Action humanitaire de l’Université de Genève et notamment durant la recherche sur le Service public a été très riche dans les interrogations posées, notamment sur les rapports entre « Action sociale et Action humanitaire » et le dilemme des professionnels du secteur public, ses rapports à l’histoire, au moment du tournant de Schengen où les tensions se sont aiguisées entre la protection, la sécurité, les droits et l’approche sécuritaire, policière des politiques migratoires et du droit d’asile. Il a été possible de publier des textes critiques qui n’auraient pas pu être publiés à Genève (voir textes de F. Rigaux) sur les liens entre l’humanitaire et la guerre, thème où les intérêts du canton de Genève et la Suisse étaient impliqués
Cahiers du CEMRIC, n° 16/17, printemps 2002.
Cahiers du CEMRIC, n° 18/19, printemps 2004.
Christiane VOLLAIRE (philosophie, santé publique, enseignement), la philosophie de terrain, enseignement de la philosophie.
Christiane Vollaire a collaboré avec nos travaux depuis le début du Programme du Collège international de philosophie (2010), bien qu’elle ne faisait pas partie des directrices et directeurs de programme du CIPh. Elle est une amie collaboratrice. Elle a apporté son expérience de l’enseignement philosophique, l’accent qu’elle met sur la « philosophie de terrain », une approche minoritaire et originale dans le champ de la philosophie et dans le déplacement solidaire de la philosophie et de l’art avec son ami Philippe Bazin sur des lieux de lutte en France et aussi au Chili, en Grèce.Le terrain, les pratiques professionnelles (de la santé en particulier), les déplacements dans les pays où sévissait la violence sociale et la violence d’Etat n’est pas du tout une évidence pour les philosophes, dont beaucoup sont des enseignants. Elle l’a appris aux collègues du Collège International de Philosophie. « L’internationalisme » lié au « local » en ressort « déplacé » dans sa lectures des textes philosophiques.
VOLLAIRE Christiane, Pour une philosophie de terrain, Paris, Creaphiséd., 2017.
Omar ODERMATT (science politique, journalisme, coordinateur de l’Association Savoir libre, Lausanne) Castoriadis, formateur de journalistes exilés à Voix d’exil, Plateforme Savoir Libre, Lausanne.
La collaboration avec Omar Odermatt, un de mes anciens étudiants en Science politique qui pour son mémoire de Master a fait un travail sur un journal de la presse lausannoise et le G8, montre d’emblée ses questionnements sur les liberté publiques. Dans le cadre de notre collaboration, il a approfondi l’œuvre de Castoriadis. Son engagement dans le projet a été déterminante pour la transmission la circulation du travail de colloques et de séminaires dès avant les années 2010 où il a été très actif et a mis en place un système d’enregistrement libre tout en étant dynamique et en étant une voix critique externe pour interroger la « fabrication » de « Savoirs libres ». Sans le travail, l’engagement non salarié d’Omar Odermatt, un grand pan de la mémoire collective n’existerait pas et aurait disparu.
ODERMATT Omar, Repenser les institutions et l’émancipation avec Castoriadis (2019).
Stéphanie TSCHOPP, graphisme & conceptualisation artistique
Elle a travaillé, en tant que graphiste avec moi depuis 12 ans avec un talent artistique remarquable. Elle a créé et géré le site – exil-ciph.com assumé, la conceptualisation, l’esthétique et la mise en forme de tous les documents nécessaires (programmes, affiches, revues en lignes, fichiers, etc..). Elle a mis au point la base de donnée et la dernière publication finale. Sans sa présence active, continue, sans sa fine compréhension des textes, des enjeux, des labyrinthes, ni mon travail, ni le travail collectif n’auraient pu avoir lieu. Je lui dois une très grande reconnaissance personnelle qui est aussi collective.
Graziella de COULON, Christophe TAFELMACHER, Pauline Milani (refuge, Appel d’Elles, inventer les luttes)
Tout au long des années, ce que j’ai appris de Graziella, Christophe, Pauline, c’est inventer les luttes, les mots, pas à pas, avec une imagination, une assiduité, un plaisir, une joie[19] à toutes épreuves. Parmi d’innombrables faits, la brochure ci-dessous est l’ancrage collectif de référence au début des travaux du Programme du Collège International de Philosophie (CIPh) entre Genève et Paris. Après-coup, un travail critique de mémoire sur ce texte mérite d’être entrepris. Relu aujourd’hui, il apporte des enseignements précieux pour aujourd’hui et le futur (2020).
Soulignons que Graziella de Coulon et Teresa Veloso Bermedo (Chili) se sont engagées comme répondantes officielles des mouvements d’asile pour le Programme Exi-Desexil du Collège international de philosophie, auquel s’est joint la jeune historienne Pauline Milani[20], très active aussi dans le Refuge de Lausanne et dans l’Appel d’Elles. Elles ont été une présence incitatrice, critique, dynamique. Elles ont beaucoup aidé à élaborer le fameux rapport théorie-pratique ou plutôt terrain-philosophie-politique qui est en fait un constant travail de traduction. Leurs apports dans l’élaboration des questions et des analyses, ont été une des causes du succès de l’étape du Programme du CIPh.
Teresa VELOSO BERMEDO (militantisme, exil, sociologie), lire trois féministes matérialistes traduites, éditées en espagnol au Chili pour « comprendre » la violence de la dictature chilienne (2010-2012), écrire sur l’expérience de la répression et de la torture.
Teresa Veloso, sociologue, militante, qui a connu la prison, la répression, la torture, réfugiée chilienne en Suisse durant 12 ans, amie de longue date, depuis son séjour d’exil en Suisse, est une membre active du Programme Exil-Desexil du Programme du Collège International de Philosophie. Elle a participé avec les professeures Jeanne Wirthner Simon (sciences politiques) et Felicitas Valencuela Bousquet (philosophe) et d’autres personnes, à la mise sur pied du Programme du Collège au Chili, à l’édition des Actes et à l’articulation entre le travail au Chili, en Europe et à Istanbul (2014), puis à la synthèse des travaux. Elle a apporté à la recherche, à la réflexion son livre sur sa propre expérience de répression, de torture et d’exil.
Ahmet INSEL (chercheur universitaire, éditeur, exil, Turquie), violence et civilité, autoritarisme, interroger les rapports à la violence, expériences, passion démocratique).
Ahmet Insel a participé à la préparation de la Rencontre à Istanbul, en apportant tout son appui à la mise en lien les milieux académiques et le mouvement social, à la mise en œuvre du travail autour du livre d’Etienne Balibar sur « violence et civilité » à Istanbul en 2012 et il a apporté des articles très importants sur la situation en Turquie. Il a participé activement à la recherche de moyens et d’appui et au travail d’écriture et d’édition en turc d’une publication.


Marion BREPOHL, (histoire, Brésil). Génocides coloniaux et actualité (indigènes brésiliens). L’histoire, l’Université à l’épreuve de la dictature et de Bolsonaro.
Marion Brepohl a participé activement depuis les années 2010, aux travaux du Programme du CIPh, y compris en organisant un colloque du CIPh invité à l’Université de Curitiba qui a jeté les bases de la réflexion qui s’est poursuivie à Genève. Ses réflexions historiques sur l’histoire du XXe siècle, les génocides coloniaux et la situation actuelle au Brésil sont un apport fondamental.
Valeria WAGNER (littérature latino-américaine), Genève, conversion, fiction et vie quotidienne, desexil de l’exil, université libre
Valeria Wagner a participé aux activités qui ont suivi la mise en place du Groupe de Genève « Violence et droit d’asile en Europe », au colloque sur la colère comme passion politique (2010) et aux divers séminaires du CIPh. Elle a accueilli le programme du CIPh à deux reprises à l’Université de Genève, dans le travail sur l’œuvre de José Bleger, sur le desexil de l’exil et l’émancipation (2017). Elle a pris une part très active dans les liens aux médias, dans l’organisation des publications qui en ont résulté. Sa créativité, son apport dans l’élaboration du concept de « desexil » depuis la littérature latino-américaine et depuis son concept de « conversion » a été très importante.
WAGNER Valeria, La marque du genre de la lutte des Mères de la Place de Mai (texte de l’auteur).
AMBIGUÏTÉ, VIOLENCE ET CIVILITÉ
(re)lire aujourd’hui José Bleger (1923-1972) à Genève
José Bleger, Silvia Amati-Sas, Ricardo Bernardi, Valeria Wagner, Stéphanie Pache, Etienne Balibar
Sous la direction de Marie-Claire Caloz-Tschopp
EXIL/DESEXIL
Histoire et globalisation
Marie-Claire Caloz-Tschopp, Valeria Wagner, Marion Brepohl, Graziela De Coulon, Ilaria Possenti, Teresa Veloso Bermedo
VERS LE DESEXIL
Démarches, questions, savoirs
Marie-Claire Caloz-Tschopp, Valeria Wagner, Marion Brepohl, Graziela De Coulon, Ilaria Possenti, Teresa Veloso Bermedo
9. Choix d’essais, travaux (1982, 2004, 2016, 2019, 2020)
Cette partie, ces deux sous-chapitres montrent des essais, travaux et recherches significatives, et ensuite un inventaire d’introductions, prologues, préfaces qui permettent, d’entrée de jeu, avant d’explorer les détails du processus dans les revues en ligne successives, de suivre le fil d’interrogations structuré autour de la trilogie – embarras, apories, énigmes – dans les travaux individuels et collectifs qui ont pu être récoltés, dans la période considérée (1974-2019). Un travail d’évaluation et de synthèse n’a pas été fait ici. C’est une invitation à la découverte à la fois d’objets, d’une démarche, d’un fil dans la lecture de ces matériaux.
CALOZ-TSCHOPP Marie-Claire, « Changer de logiciel civique », Revue Choisir, janvier 2020.
CALOZ-TSCHOPP Marie-Claire, « Taysir Batniji ou le desexil de l’exil ». Tysir Batniji, est un artiste palestinien en exil. Texte de la brochure papier de l’exposition (mars 2021) MAC VAL, musée d’art contemporain du Val-de-Marne à Vitry-sur-Seine (France).




[1] J’établis la distinction entre « textes » et « discours » en l’appliquant aussi aux textes/discours de la tradition et du domaine philosophique. Brièvement, la notion de discours empruntée aux recherches sémiologiques, permet de considérer, d’analyser des textes en les insérant dans les rapports historiques et actuels de pouvoir.
[2] Voir à ce propos, Arendt Hannah, « Du mensonge en politique ». Réflexions sur les documents du Pentagone », Du mensonge à la violence, Paris, Presses-Pocket, 1969, p. 7-53.
[3]Voir notamment à ce propos, Anscombe E., L’intention, Paris, éd. Gallimard ; Aucouturier V., Pavlopoulos M. (dir.), Agir et penser. Essais sur la philosophie d’Elizabeth Anscombe, Paris, publications de la Sorbonne, 2015. ISBN 978-2-85944-887-5 ;
[4] Voir ci-dessous. A. Maza a été emprisonné. Un fait qui explique bien les mesures de contrainte. Alors que je voyais sa famille avant de le visiter en prison, son fils de six ans à qui j’expliquais que j’allais voir son père s’est écrié : « mon père n’est pas un criminel, pourquoi il est en prison ? ».
[5] La Conseillère fédérale Elisabeth Kopp a prononcé à l’époque une phrase déjà entendue dans la bouche de Charles Pasqua (France) : l’Etat de droit s’arrête au moment où commence le droit de l’Etat. En clair, la justification d’un état d’urgence, de mesures d’exceptions dans un pays (Suisse) soumis aux règles d’une démocratie parlementaire semi-directe.
[6]ARAUJO Helena, Esposa fugada y otros cuentos viajeros, Medellin, Hombre Nuevo Ed., 2009, ISBN 978-958-8245-65-2
[7] voir site Académie de Belgique : http://www.academieroyale.be ; voir aussi notamment, Rigaux François, La loi des juges, Paris, Odile Jacob, 1997. ISBN 2-7381-0510-6 ; L’histoire du droit international revue et corrigée par Carl Schmitt, Bruxelles (sans date, texte de l’auteur).
[8] Durant 10 années, avec l’avocat et chercheur en droit spécialisé dans le droit d’asile européen, le prof. J.-Y. Carlier j’ai enseigné, en tant que philosophe dans un cours commun dans un master de droit à l’Université de Louvain. C’est une expérience d’apprentissage et de collaboration très riche.
[9] DERRIDA Jacques, Force de loi, Paris, Galilée, 1994.
[10] L’importance de leur présence dans les travaux suffit déjà à montrer que nous vivions un moment historiques, sur le thème des politiques de migration, d’asile, du droit d’asile, à des élaborations et aussi à des transformations de l’Etat de droit (droits limités pour les étrangers) en violence d’Etat avec des tendances sécuritaires.
[11] Le droit des étrangers est par excellence un droit de l’Etat souverain.
[12] L’imagination est un ancrage, une « idée-force » qui traverse et structure toute l’œuvre, je présente ici son texte fondateur. On peut lire aussi, Castoriadis C., « Imagination, imaginaire, réflexion », in Fait et à Faire, Paris, Seuil, 1997, pp. 227-272. ISBN 2.02.029909
[13] Castoriadis parle dans plusieurs endroits de son œuvre, d’ontologie, de ses thèses ontologiques. On peut encore citer une autre référence qui éclaire sa démarche et sa position : Castoriadis Cornelius, « Ontologie ; rapport à la philosophie héritée », extrait du premier chapitre Fait et à faire, Paris, Seuil, 1997, p. 9-26. ISBN 2.02.029909.7
[14] Avec le risque que son intuition, ses démonstrations sur la spécificité du nazisme soient affaiblies. Sans reprendre ici ce débat en France, en Italie, aux Etats-Unis, etc., il suffit de lire, la nouvelle édition française, Récits de la Kolima de Varlam Chalamov (et par exemple, le chapitre Le gant p. 1245-1281 et la postface de Michel Heller, p. 1481-1493 ), Paris, éd. Verdier, pour saisir ce qui différenciait les deux types de camps (nazis et staliniens).
[15] Arendt Hannah, La vie de l’esprit. 1 la pensée, Paris, PUF, 1981. ISBN, 9782130 401681 Le titre original en anglais est plus clair en soulignant que la pensée est activité : The life of the mind. Thinking.
[16] Voir notamment, Brauman Rony, L’action humanitaire, Paris, Flammarion, 1995.
[17] Vidéo en ligne d’une discussion entre Rony Brauman et Régis Debray, Quelle éthique pour les relations Nord-Sud ? Politique humanitaire politique étrangère, convergences et divergences [archive], Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, 14 avril 2000
[18] Voir Arendt Hannah, La vie de l’esprit. 1 la pensée, Paris, PUF, 1981. En particulier, l’introduction du problème philosophique posée par Arendt.
[19] J’emprunte ce mot à Spinoza.
[20] Citons sa thèse de doctorat : Milani Pauline, Le diplomate et l’artiste. Construction d’une politique culturelle suisse à l’étranger (1938-1985), Neuchâtel, Alphil, 2013 ; thèse d’habilitation : Femmes artistes sous le Second Empire. Genre, performance, transgression (titre provisoire, en cours d’édition).