Catégorie : Arendt, Hannah

  • Le danger mortel…

    Hannah Arendt

    L’existence de ces personnes entraîne un grave danger : leur nombre croissant menace notre vie politique, notre organisation humaine, le monde qui est le résultat de nos efforts communs et coordonnés, menace comparable, voire plus effrayante encore, à celle que les éléments indomptés de la nature faisaient peser autrefois sur les cités et les villages construits par l’homme. Le danger mortel pour la civilisation n’est plus désormais un danger qui viendrait de l’extérieur. La nature a été maîtrisée et il n’est plus de barbares pour tenter de détruire ce qu’ils ne peuvent pas comprendre, comme les Mongols menacèrent l’Europe pendant des siècles. Même l’apparition des gouvernements totalitaires est un phénomène situé à l’intérieur et non à l’extérieur de notre civilisation. Le danger est qu’une civilisation globale, coordonnée à l’échelle universelle, se mette un jour à produire des barbares nés de son propre sein à force d’avoir imposé à des millions de gens des conditions de vie qui, en dépit des apparences, sont les conditions de vie de sauvages.

    Arendt Hannah, L’impérialisme, vol. II, Origines du totalitarisme, Paris, Point-essais, 1972, p. 292.
  • The trouble (extrait)

    Hannah Arendt

    Le drame (trouble), c’est que cette catastrophe n’est pas née d’un manque de civilisation, d’un état arriéré, ou tout simplement d’une tyrannie, mais qu’elle était au contraire inéluctable, parce qu’il n’y avait plus un seul endroit « non civilisé » sur la terre, parce que bon gré mal gré nous avons vraiment commencé à vivre dans un Monde (One World). Seule une humanité complètement organisée pouvait faire que la perte de résidence (loss of home) et de statut politique (political status) revienne à être expulsé de l’humanité entière. 


    Arendt Hannah, L’impérialisme, vol. II, Paris, Points-essais, 1972, p. 282.

  • Le droit d’avoir des droits

    Hannah Arendt

    Nous n’avons pris conscience de l’existence du droit d’avoir des droits (ce qui signifie : vivre dans une structure où l’on est jugé en fonction de ses actes et de ses opinions) et du droit d’appartenir à une certaine catégorie de communauté organisée que lorsque des millions de gens ont subitement perdu ces droits sans espoir de retour par suite de la nouvelle situation politique globale.

    OTII, 281-282

    (…)

    Etre privé des Droits de l’Homme, c’est d’abord et avant tout être privé d’une place dans le monde qui rende les opinions signifiantes et les actions efficaces (…) Ce qu’ils perdent, ce n’est pas le droit à la liberté, mais le droit d’agir; ce n’est pas le droit de penser à leur guise, mais le droit d’avoir une opinion.

    H. Arendt, OTII, 281.

    Arendt Hannah, L’impérialsme, vol. II (OTII), Origines du totalitarisme, Paris, Point-essais, 1972