Silvina Jensen[2]
Résumé
Cet article se propose de réfléchir sur les relations entre exil, violence et desexil, à partir du parcours d´exil de Julio Cortázar et de son combat pour les détenus-disparus sous les dictatures de Sécurité nationale en Amérique latine dans la deuxième moitié du XXe siècle.
Le travail souligne que, s’opposant à la conception d´un exil jalonné de plaintes, largement répandue dans les années 1970, Cortázar s´est attaché à le considérer une « arme de combat », et a proposé de « détruire l’exil dans l’exil ».
Il tente aussi d’expliquer que ce regard hétérodoxe qui visait à inverser la valence de l’exil (du manque à la puissance) allait de pair avec ce qu’il demandait à ses compatriotes et au monde : affronter la réalité des « disparitions » et s’interroger sur ce que ce système abject dit de notre (in)humanité.
Il se termine par une série de considérations sur l’actualité inquiétante du positionnement de Cortázar, et se demande si nous autres, latino-américains, avons été capables d’apprendre du passé.
« Ceux qui envoient en exil leurs intellectuels considèrent que leur action est positive, puisqu’elle vise à éliminer l’adversaire. Et si les exilés décidaient eux aussi de considérer comme positif leur exil ? […] Je crois qu’il faut plus que jamais changer la négativité de l’exil – qui confirme la victoire de l’ennemi – en une nouvelle prise de réalité, une réalité basée sur des valeurs et non sur des antivaleurs[3], une réalité que le travail spécifique de l’écrivain peut rendre positive et efficace, renversant complètement le plan de l’adversaire et lui faisant face d’une manière que celui-ci ne pouvait pas imaginer »
(Cortázar, 1978)
La condition migrante de l’humanité a été bouleversée dans le changement de siècle et dans le contexte de la mondialisation capitaliste par l’intensité et la diversité des flux démographiques qui, tout en étant liés à l’exode des totalitarismes, les luttes de libération nationale et les terrorismes d’Etat du XXe siècle, introduisent de nouveaux éléments tels que les conflits ethniques et tribaux, les guerres de basse intensité, le trafic de drogue, les situations d’extrême pauvreté et de violence généralisée des acteurs non étatiques, comme causes des nouveaux mouvements diasporiques.
Quoique migrants, déplacés, exilés, réfugiés, sans-abri et travailleurs étrangers semblent faire partie intégrante d’un monde construit autour de la révolution des médias, l’instantanéité des réseaux sociaux, la circulation des connaissances et des capitaux par-delà les frontières et la réorganisation globale des marchés du travail, il n’en est pas moins vrai que la compréhension de la nécessité et inéluctabilité de la mobilité humaine dans cette nouvelle géopolitique mondiale (Hobsbawm, 2007) a réactualisé d’anciennes peurs, en mettant au-devant de la scène les questions sur le lieu de résidence et d’appartenance, la nationalité, la nation, l’identité comme essence, la topographie tellurique et la portée des droits de l’homme (Ramos, 1994).
Quand subir la violence, traverser des frontières, migrer, s’exiler, se réfugier, vivre dans les marges et cohabiter avec des sujets disloqués bouleverse notre quotidienneté latino-américaine, il est essentiel d’examiner les parcours de certains intellectuels qui dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt du siècle dernier et sous les dictatures de la doctrine de « Sécurité nationale » ont subi l’exil politique et ont fait de cette condition un tremplin pour se réinventer et surtout pour asseoir les bases de conquêtes durables permettant de comprendre les identités dans leurs «racines» ainsi que dans leurs «radars».[4]
Dans un tel contexte, cet article se focalise sur le parcours d’exil de Julio Cortázar, l´un des écrivains latino-américains[5] victimes de la violence des dictatures militaires du Cône Sud de l’Amérique latine[6], qui a choisi de transformer dépossession, fracture, douleur, perte, nostalgie, amertume et ressentiment en création, découverte, flexibilité, hybridisme et activisme transnational humanitaire, contribuant par sa pensée à la lutte contre la politique de déni, d’oubli et d’impunité des violations graves, systématiques et généralisées des droits de l’homme perpétrée par les régimes « fascistes » qui dominaient la région dans la deuxième moitié du XXe siècle[7], et en particulier contre leur crime le plus abject : la disparition forcée de personnes.
30 ans après le coup d’Etat du 24 mars 1976 qui a marqué le début d’une des périodes les plus sombres de l’histoire argentine, et suite à la rédaction du « Projet de Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées » par le Groupe de travail des Nations Unies, le Ministère de la Justice d’Argentine a publié le texte intégral du projet[8] que l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le 20 décembre de la même année et qui est entré en vigueur en décembre 2010[9]. Cette publication, appuyée par deux compagnons de route[10] de Julio Cortázar dans son combat en exil, contenait curieusement un document fondamental pour l´explication avant la lettre de la technique de la disparition forcée de personnes : « Refus de l’oubli », le discours prononcé par Julio Cortázar au Colloque de Paris[11] au cours duquel les exilés argentins et de tous les pays soumis à l’autoritarisme en Amérique latine et dans le monde ont pu saisir l’importance de disposer d’un instrument juridique pour prévenir, enquêter, poursuivre et réprimer la disparition forcée de personnes, en protégeant le droit à la Vérité, la Justice et la réparation pour les familles des victimes.
Entre la reconnaissance du fait qu’il était possible de « détruire l’exil dans l’exil »[12], comme Cortázar l’a souligné à la fin des années 1970, et l’approbation et adoption internationale de la Convention qui définit la disparition forcée de personnes comme un « crime contre l’humanité », et par là même « massif », « systématique », « rationnel », « imprescriptible », « non amnistiable » ni « passible d’extradition » et de « jugement par un tribunal international »[13], il y a des centaines de résistances, luttes, combats, progrès, reculs, et des milliers d’histoires personnelles et anonymes de souffrance, perte, angoisse et fracture. Mais il est possible aussi de reconnaître l’imagination, le génie créateur et le courage de Julio Cortázar. Les pages qui suivent examinent ce parcours personnel et collectif, argentin, latino-américain et mondial, passé et tout à fait actuel.
Julio Cortázar: ni exilé, ni Argentin, « subversif »
Tout au long de son existence, Cortázar a vécu une situation paradoxale : être considéré comme un « subversif extrêmement dangereux »[14] par les gouvernements militaires argentins qui se sont succédé à la tête du pays du 24 mars 1976 au 9 décembre 1983, et en même temps, se voir refuser le titre d’exilé par de nombreux intellectuels qui souffraient du manque de libertés en Argentine, et être considéré « peu Argentin » pour avoir pris la nationalité française en 1981.[15]
Certes, Cortázar a quitté son pays en 1951, du temps des premiers gouvernements de Juan Domingo Perón (1946-1955), mais son expatriation intellectuelle[16] s´est transformé en exil stricto sensu quand tout d’abord les groupes paraétatiques qui ont semé la mort et l’exil dans le pays pendant les deux années précédant le coup d’Etat de 1976, et puis le gouvernement militaire lui-même se sont employés à interdire la diffusion de son œuvre et à pénaliser son retour en Argentine.[17] C´est à ce moment-là que son séjour parisien est devenu un véritable exil.
En novembre 1981, dans le cadre d’une polémique qu´il a soutenue avec l’écrivain Liliana Heker, il expliquait :
« Non seulement je ne revendique pas une ancienneté injustifiée dans ce triste métier, mais dans de nombreux entretiens que tu ne connais évidemment pas pour les raisons indiquées ci-dessus, j’ai insisté sur la notion compulsive de l’exil pour moi, et donc sur le fait que ce n’était pas du tout mon cas ; (…) je ne me suis jamais considéré un exilé jusqu’au (…) coup d´Etat militaire de 1976 et la censure ultérieure, explicite ou implicite, qui empêche des choses comme la publication de mes œuvres, de même qu´elle t’empêche d’examiner en profondeur les causes fondamentales de l’exil. » [18]
Or, qu’est-ce qu’a supposé pour Cortázar de se définir comme exilé dès 1976 et de promouvoir cette identification dans l’arène publique internationale et en défense des droits de l’homme ?
De même qu’il distinguait dans son expérience l’« exil physique » – son éloignement de la terre natale – et l’« exil culturel » – le divorce provoqué par la censure entre sa production littéraire et ses lecteurs -, il croyait que, l’exil impliquant la violence d’une procédure coercitive, on pouvait être un exilé dans son propre pays autant qu’à l’étranger. En ce sens, Cortázar reconnaissait l’existence de deux sortes d’exil : les exilés de l´intérieur – « des gens écrasés dedans » – et les exilés de l´extérieur – « des gens balayés dehors ».[19] Partant de cette distinction, il a dénoncé que la dictature militaire avait orchestré
« un génocide culturel sur deux fronts, c’est-à-dire sur nous qui de l´étranger ne pouvions pas offrir notre culture à l’Argentine et nous sentions frustrés, isolés et séparés, et puis les obstacles bien connus auxquels ont dû faire face les auteurs argentins qui ont tout simplement voulu dire la vérité durant ces dernières années et n´ont pas pu la dire ou ont dû parler par sous-entendus ou ont gardé le silence ou ont diversifié leurs activités ».[20]
Julio Cortázar et l’« exil combattant »
C’est essentiellement pour son militantisme anti-dictature que Cortázar se voyait lui-même comme un exilé. Il l’est devenu parce qu’il était l’un des référents des milliers d’Argentins qui avaient été obligés de partir depuis l’instauration du régime militaire.
Sa trajectoire intellectuelle incontestée, les réseaux culturels et politiques dont il faisait partie en Europe, son virage idéologique à gauche amorcé lors de la révolution cubaine et consolidé par la révolution sandiniste et l’avancée répressive des «fascismes dépendants» du Cône Sud et de l’Amérique centrale, lui ont taillé une place de choix dans l’internationalisation de l’escalade répressive dans la région. Qui plus est, la Junte militaire l’a désigné comme l’un des principaux agents de la « campagne anti-argentine» (Feinman, 1985:238) et, avec Mario Benedetti et le journaliste Jacobo Timeman, l’une des voix les plus reconnues de la « minorité bruyante » dont « les flots d’encre » alimentaient la « presse officieuse » européenne en « fausses nouvelles » sur le pays (Inès : 1987 : 97).
Mais pour Cortázar se définir comme militant anti-dictature à l’étranger supposait rompre avec un certain imaginaire de l’exil qui associait ses acteurs à la notion de « martyr » ou de « victime », de sujets qui avaient été violentés et restaient incapables de dépasser la plainte, la douleur, la nostalgie. Pour lui, «l’exil ne peut ni ne doit être compris dans un sens exclusivement négatif, puisque c’est justement ce que cherchent les dictatures en exilant beaucoup de personnes parmi les meilleurs représentants des peuples qu’elles ont soumis; et accepter la règle du jeu habituelle et traditionnelle c’est leur fournir l’atout gagnant » (Cortázar, 2014:34).
Faire de la dépossession une opportunité c´était la première condition pour vaincre les violents. Cortázar affirmait que, pour affronter les dictatures, il fallait que la «négativité », le « manque », l’« exclusion et le « dépouillement » de l’exil deviennent une « stratégie» et une «arme de combat». Pour mieux dénoncer les dictatures latino-américaines et développer la solidarité internationale envers leurs victimes, il proposait d’inventer de nouveaux répertoires de lutte, y inclus ceux qui explorent une «radicalité » contraire en apparence à la logique scientifique. Il exhortait à faire appel à l’humour, au non-sens, à ce qui pouvait sembler irrationnel, à ce qui contredisait les approches analytiques et juridiques (Cortázar, 2014:33).
Dans un tel contexte, Cortázar a assigné aux intellectuels exilés la tâche d’affronter les régimes prétoriens sur le terrain de leur politique symbolique de construction fallacieuse de la réalité, en rejetant les identités attribuées (tous les persécutés sont « subversifs ») ou en inversant la valence des faits. C´est ainsi qu´on doit comprendre ses propos, entre autres ceux qu’il a prononcés lors de l’ouverture de la Première Conférence Internationale sur l’exil et la solidarité latino-américaine des années soixante-dix, qui s’est tenue au Venezuela en 1979:
« Je n´ai été ni ne suis le seul à vouloir changer le signe de la notion traditionnelle d’exil et d´exilé; je sais que dans cette conférence il y aura beaucoup de voix qui vont proposer sous différents angles la vertigineuse, difficile mais absolument nécessaire révision du concept d´exil, son passage de la catégorie d’antivaleur stérile à celle de valeur dynamique. Bien plus, le fait même de nous être rassemblés pour débattre sur cette forme de l´inhumanité révèle que de la diaspora peut naître une agora, qu’il est possible de surmonter la solitude et le déracinement de milliers et de milliers de femmes et d´hommes latino-américains si nous contribuons à créer une notion différente de l’exil dans chaque conscience et dans chaque ligne de conduite. La vérité toute simple c´est qu´une notion et une praxis de l’exil ont une double valeur; si d´une part elles peuvent modifier les stéréotypes négatifs et diminuer la nostalgie compréhensible mais stérilisante, et d´autre part elles représentent une stratégie et une arme de combat, dans la mesure où on n’accepte pas la négativité sur laquelle les dictatures comptent si fort » (Cortázar, 1984: 26).
Julio Cortázar et « ce peuple des ombres »
Au début des années 1980, dans une interview publiée par le journal cubain Granma, Cortázar a manifesté qu’il ne pouvait pas s´enfermer pour écrire « pendant que les mères des disparus venaient frapper à sa porte ». [21]
Comment se fait-il que la lutte pour le sort des « disparus » soit devenue le moteur de sa condition d’exilé? Quels sont les vases communicants entre son engagement pour la Vérité et la Justice au sujet de la tragédie des « disparus » en Amérique latine et son positionnement sur l’exil, ou son pari de le comprendre comme « une autre façon de vivre, mais qui peut être remplie de contenu positif, d’une force violente, belle contre ce qui l’a causé en son temps et le fait durer contre toute raison et dignité » (Cortázar, 1984:26) ?
Pour commencer ces réflexions, j’ai évoqué le discours « Refus de l’oubli », prononcé par Cortázar lors du Colloque International sur les disparitions forcées de personnes, qui s’est tenu à Paris.
C´est à ce moment-là que prend une forme définitive son combat contre la politique dictatoriale de silence, déni et impunité sur le « problème des disparus », et qu’il dénonce la Junte militaire argentine non seulement pour sa puissance de mort, mais aussi pour la perversité de sa stratégie de colonisation culturelle et idéologique par déformation du langage.
Dans ce colloque, Cortázar a donné corps à cet « euphémisme » brandi par les militaires pour couvrir un crime massif commis dans la clandestinité par les agents et organismes de l’Etat terroriste.[22] Devant un auditoire d’avocats, de militants et de membres des familles des victimes, il a affirmé que les disparitions forcées n’étaient pas une pratique hasardeuseͤͤ relevant d´accès de colère individuels, mais bien au contraire une technique d’application systématique qui prétendait éliminer l´adversaire réel ou potentiel et en même temps « par la plus monstrueuse des chirurgies, greffer sur ceux qui doivent vivre la disparition d´êtres chers, la double présence de la peur et de l’espérance» (Cortázar, 1984: 18).
LL’auteur du roman Marelle s’était, en plus, proposé de sonder l’effroyable humanité du « dispositif de disparition » (Calveiro, 2001). Ce faisant, il aspirait à ce que la société argentine regarde en face les «objectifs, les méthodes et les conséquences des disparitions » (Cortázar, 1984:18).
Tout en reconnaissant que la présence du diabolique était manifeste dans l’abjection de cette technique répressive basée sur l’enlèvement, la torture, le meurtre, la destruction ou la disparition du corps de la victime, et le déni de responsabilité de la part des exécutants (Crenzel, 2008), Cortázar s’est efforcé, d´une part, de souligner son caractère « trop humain » ; et d’autre part, son caractère résolument « argentin ».
Récupérant la notion arendtienne de la « banalité du mal » (Arendt, 2012), il a soutenu que la monstruosité des exécutants n’habilitait pas seulement à les désigner comme des « démons », car ils n’en étaient pas moins des êtres humains : des individus lambda qui exprimaient dans les « chupaderos »[23] « les pires tendances de l’homme qui en arrivent au plaisir de torturer et d´outrager des êtres sans défense » (Cortázar, 1984: 19). Et qu’il fallait admettre, en outre, qu’ils faisaient partie de la société argentine:
« Quand la disparition et la torture sont le fait d´hommes qui parlent comme nous, qui ont les mêmes noms et les mêmes écoles, qui partagent nos coutumes et nos gestes, qui viennent du même sol et de la même histoire, alors s´ouvre en notre conscience et en notre cœur un abîme infiniment plus profond que ne peut l´exprimer une parole qui voudrait le stigmatiser » (Cortázar, 1984: 19).
Cependant, la mission de l’« exil combattant » était de continuer à se battre de sorte que, de l’« inconfort » de la réflexion critique et de la réappropriation « subversive » de la langue que les oppresseurs voulaient manipuler pour construire « un consensus citoyen » et légitimer leur pouvoir, la Vérité puisse éclater au grand jour.
En mars 1981, à l’occasion du 5ͤe anniversaire du coup d ‘Etat du 24 mars 1976, Cortázar a dénoncé à Madrid que, au moment même où la communauté internationale accédait à des rapports lapidaires sur la situation des violations des droits de l’homme en Argentine (CIDH, 1980), la propagande militaire répétait « nous, les Argentins, sommes des êtres droits et humains », dissociant ainsi la notion de « droiture » de son « sens éthique, juridique et politique » pour devenir l´éloge démagogique d’une prétendue identité argentine » (Cortázar, 1984 : 32).
Pendant qu’à Madrid le mot d´ordre lancé par Eduardo Galeano, Rafael Alberti et d’autres voix de la résistance argentine en exil était « Liberté, Justice et Démocratie ! » (Amorós, 2011: 381), Cortázar appelait au combat contre la contamination du lexique de la lutte idéologique et politique par « le mauvais usage qu’en font nos ennemis » :
« Il est temps de penser que chacun d’entre nous a une machine à laver mentale et que cette machine c’est son intelligence et sa conscience; avec elle nous pouvons et nous devons laver notre langage politique de toutes les adhérences qui l’affaiblissent. C’est la seule façon de réussir un avenir qui réponde à notre espoir et à notre action, parce que l’histoire c’est l’homme, et elle se fait à son image et par sa parole » (Cortázar, 1984:33).
En guise de conclusion : l´actualité de Cortázar
Pour terminer, je veux revenir sur certaines idées qui parcourent ces pages et nous interpellent vu l’inquiétante actualité des problèmes que Julio Cortázar a abordés dans les années soixante-dix et quatre-vingt du siècle dernier, ceux-là mêmes qui l’ont amené à proposer un regard hétérodoxe sur l’exil en exprimant clairement sa pensée sur le « dispositif de disparition » et ses responsables (les agents de l’État terroriste), mais aussi sur l´attitude de la société argentine et de la société-monde qui l´avaient rendu possible.
En premier lieu, l’impossibilité de comprendre la culture de l’humanitarisme et de la transnationalisation des discours de la mémoire dans ce nouveau millénaire si ce n´est par référence à la souffrance des victimes des guerres, des totalitarismes et des génocides du XXe siècle. Dans les mots de Gabriel Gatti, aujourd’hui nous vivons dans « le monde des victimes » (Gatti, 2017).
Deuxièmement, l´idée qu’il s´est opéré une dépolitisation des luttes du XXe siècle à partir d’une lecture qui met l’accent sur la douleur et la souffrance, et estompe ou mutile par contre les espérances et les utopies, comme le dit Enzo Traverso (2012), mais que, néanmoins, les « victimes » (exilés) qui, au cours du siècle dernier, se sont penchés sur la question ne visaient pas nécessairement à absolutiser la perte; leur prise de parole a transformé la dépossession en force, et la subalternité en une autre forme de pouvoir. C’est dans ce sens-là que le combat de Cortázar pour « détruire l’exil dans l’exil » fait preuve d’une vitalité inhabituelle.
Troisièmement, que les luttes collectives se projettent dans un avenir de perspectives à long terme et s’articulent à partir de réseaux hétérogènes dans lesquels chaque sujet n’est que le maillon d’une chaîne qui les convoque et les excède sur le plan national, générationnel, politique et idéologique.
Si, en 1981, Cortázar était conscient de l’insuffisance des instruments normatifs, voire du travail intellectuel, il n’a pas pour autant cessé de lutter, même au détriment de sa propre carrière littéraire, estimant que toutes les stratégies devaient être explorées (juridiques, poétiques, analytiques, humoristiques) et qu’aucune ne devait être absolutisée parce que l’ennemi est capable de coloniser les meilleurs instruments de combat (le discours humanitaire), les vidant de leur sens primitif et les mettant à son service.
Quatrièmement, que les mouvements sociaux ne devraient pas baisser la garde lorsqu´ils célèbrent des conquêtes de longue date. L’entrée en vigueur de la Convention Internationale sur la disparition forcée des personnes et le nombre croissant de pays qui sont en train de l´adopter est sans aucun doute un événement marquant du long combat dans lequel Julio Cortázar s´était engagé.
Mais, les Latino-américains, qu´avons-nous appris des combats des exilés de la dernière moitié du siècle dernier ? Quels souvenirs gardons-nous dans la mémoire collective de leurs référents et de la façon dont ils se voyaient eux-mêmes et se positionnaient face à la dépossession et à la violence qu’ils souffraient? Les instruments normatifs suffisent-ils pour prévenir un délit si abject?
Certaines nouvelles récentes du sous-continent américain pourraient conduire au découragement. L’année dernière, la société argentine s´est vue confrontée à la disparition forcée lorsqu’au cours d’une opération de la Gendarmerie nationale pour expulser de ses terres la communauté mapuche de Cushamen dans la province de Chubut en Patagonie, un jeune homme qui appuyait leurs revendications a été porté disparu. A cette occasion, le mouvement humanitaire a accusé le gouvernement argentin de couvrir les responsables de la « disparition » de Santiago Maldonado[24], en même temps qu’une partie importante de la population gagnait les rues avec pour mot d´ordre « Réapparition en vie ». S’inspirant de Cortázar à Paris en 1981, quand il exigeait de « maintenir dans un présent obstiné, avec tout son sang et son ignominie » ce qu´on veut cacher, étouffer et nier (Cortázar, 1984:20), les Argentins se sont soulevés sachant que le « Plus jamais ça»[25] n’a pas été définitivement conquis avec la condamnation des Juntes militaires en décembre 1985, et qu’il s’agit, bien au contraire, d’une tâche ardue, constante et quotidienne.
Les réflexes de la population argentine ont été tout aussi rapides quand le gouvernement du président Mauricio Macri (2015-…) a tenté de faire bénéficier d´une assignation à résidence les répresseurs condamnés pour «crimes contre l’humanité». Des concentrations massives sur la Plaza de Mayo (Place de mai) à Buenos Aires ont été la réaction immédiate du mouvement pour les droits de l’homme, des familles des victimes de la dictature et d’une partie importante de la population face à ce qu´ils ont qualifié de recul considérable des politiques publiques de Mémoire, Vérité et Justice.
Et que dire de la situation qui se vit au Mexique, dont le gouvernement a reconnu fin 2015 que le nombre de « personnes portées disparues » s´élevait à plusieurs dizaines de milliers, parmi lesquelles notamment les « étudiants de l’École Normale rurale de Ayotzinapa ». [26]
Et pourtant, comme disait Cortázar dans le Colloque de Paris, au-delà des cas typiques et documentés, quelles informations avons-nous sur les milliers de victimes anonymes ? Quelle est la place des filles et des femmes mexicaines dans la mémoire globale de la disparition forcée ? Même si, comme l’affirme Amnesty International, leurs histoires sont toujours les moins visibles, ce sont généralement les femmes qui mènent le combat pour découvrir ce qui est arrivé. Et cela multiplie pour elles les risques de devenir des « cibles » de l’intimidation, la persécution, la violence et la disparition. [27]
Dans les mots de Cortázar à la fin de son discours au Colloque de Paris, «tout ce que nous pourrons faire sur le plan national ou international, va bien au-delà de sa finalité immédiate. L´exemple admirable des Mères de la Place de mai rend présent ici ce qu´on appelle dignité et surtout avenir ». (Cortázar, 1984: 20).
Original
Pero definirse como militante antidictatorial en el exterior implicaba revisar cierto imaginario exiliar que ligaba a sus protagonistas a la noción de “mártir” o de “víctima”, sujetos violentados pero incapaces de salir de la queja, del dolor, de la nostalgia.
Références bibliographiques
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Commission Interaméricaine des droits de l´homme (CIDH) (1980). Informe sobre la situación de los Derechos Humanos en Argentina. Washington: OEA. Voir le site http://desaparecidos.org/nuncamas/web/document/internac/cidh79/index.htm,
Cortázar, Julio (1978). « América Latina », dans: Eco, Bogotá, nº 205, novembre. Voir le site http://www.mshs.univ-poitiers.fr/crla/contenidos/Cortazar/image.php?Id_img=3755&Code=21.062
Cortázar, Julio (1984). Argentina: país de alambradas culturales. Barcelona: Muchnik
Cortázar, Julio (2014). Papeles inesperados. Madrid: Alfaguara.
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Zucotti, Juan Carlos (1987). La emigración argentina contemporánea, a partir de 1950. Un testimonio fiel de la Argentina del exterior. Bs As: Plus Ultra.
[1] Ce texte a été publié in Caloz-Tschopp M.Cl. et al (dir.), Vers le desexil. Démarches, questions, savoirs, Paris, éd. L’Harmattan, 2019, doc. p. 367-379. Il a été traduit de l’espagnol par Marta Huertas que nous remercions infiniment pour son travail précieux.
[2] Docteur en Histoire de l’Université Autonome de Barcelone. Professeur du Département d’Humanités de l´Université Nationale du Sud (UNS) de Bahía Blanca et Chercheuse du Conseil National des Recherches Scientifiques et Techniques (CONICET), Argentine
[3] Note du traducteur : dans cet article, le terme espagnol « disvalor » (utilisé par Cortázar lui-même comme antonyme de « valor ») a été traduit par « antivaleur ».
[4] Paraphrasant Denise Rollemberg (1999) qui affirmait à propos du sens de l’exil dans la dernière dictature militaire du Brésil (1964-1985) : «Significou o desenraizamento das referencias que lhes davam indetidades política e pessoal. A derrota de um projeto. O constragimento ao estranhamento. A perda do convívio com a língua materna, o afastamento das famílias, as separaçoes. A interrupçao de carreirs, o abandono de empregos. A ruptura física e psicológica. A desestruturaçao. Muitos o viveram, fudamentalmente, como luto, como um naufragio sem salvaçao, como una experiencia que deicou seqëlas irrerparávais. O exílio, entretando, tambén foi vivido como ampliaçao de horizontes. Impulsionou a descoberta de países, continentes, sistemas e regimnes políticos, culturas, povos, pessoas (p. 299) […] Entre raízes e radares, os exilados reavaliaram o projeto que había sido vencido, abandonaram alguns e seus aspectos centrais, agregaram outros, reconstruíram caminos e concepçaoes de mundo, redefinindo-se a si mesmos. Entre o que deixavam para tras e o que viam diante de si, as cotnradiçoes, as tradiçoes do pasado e as novidades do presente. O futuro» (p. 302)
[5] Sans aucune prétention d’exhaustivité, mais coïncidant avec certains des intellectuels latino-américains qui ont le plus réfléchi à leur exil, je veux citer Juan Carlos Onetti, Mario Benedetti, Eduardo Galeano et Cristina Peri Rossi (Uruguay); Ariel Dorfmann, Antonio Skármeta, José Donoso, Miguel Rojas Mix (Chili); Osvaldo Soriano, Héctor Tizón (Argentine), Daniel Moyano, Osvaldo Bayer, Antonio Di Benedetto, Blas Methot.
[6] Entre 1954 et 1976, le Cône Sud de l’Amérique latine a été bouleversé par des coups d’État instituant des dictatures militaires qui, dans le contexte de la Guerre Froide et en vertu de ce qu’on appelait « la Doctrine de sécurité nationale », ont réprimé leurs populations et poussé à l’exil des milliers de personnes. Ce fut le cas du Paraguay d’Alfredo Stroessner, de la Bolivie d’Hugo Banzer, de l’Uruguay de Juan Maria Bordaberry, du Chili d’Augusto Pinochet et de l’Argentine de Jorge Rafael Videla.
[7] Cortázar établissait souvent des parallèles entre les dictatures militaires latino-américaines (de Somoza à Pinochet en passant par Videla) et les régimes totalitaires d’Europe des années 1920, 1930 et 1940.
[8] Ministère de la Justice et des Droits de l´Homme de la Nation argentine (2006). Projet de Convention Internationale pour la Protection de toutes les Personnes contre les Disparitions Forcées. Ci-inclus «Refus de l´oubli» par Julio Cortázar, Colloque de Paris sur la politique de disparition forcée de personnes, 1981. Buenos Aires: Secretaría de Prensa y Difusión.
[9] Voir le site https://www.ohchr.org/SP/ProfessionalInterest/Pages/ConventionCED.aspx
[10] Il s´agit des avocats pénalistes Eduardo Duhalde et Rodolfo Matarollo, qui ont vécu leur exil l´un en France et l’autre en Espagne. Ils ont été l’âme de la Commission argentine des droits de l´homme (CADHU), et leur travail de dénonciation, principalement auprès des organismes internationaux et en concertation avec des organisations non gouvernementales argentines et internationales, a été très fécond. Pendant le gouvernement de Néstor Kirchner (2003-2007), Duhalde a été Secrétaire d´Etat aux Droits de l´Homme et Mattarollo, Sous-secrétaire d´Etat à la Promotion et la Protection des Droits de l´Homme.
[11] Ce Colloque s´est tenu à Paris du 31 janvier au 2 février 1981, dans le but d’obtenir le renouvellement du mandat du Groupe de travail sur la disparition forcée des personnes créé une année plus tôt au sein de la Commission des droits de l´homme des Nations Unies. Dans le Colloque, des activistes du monde humanitaire, des juristes et des intellectuels ont discuté de la situation de 15 pays (Bolivie, Brésil, Chili, Argentine, El Salvador, Guatemala, Nicaragua, Pérou, Mexique, Uruguay, Chypre, Ethiopie, Indonésie, Philippines, Afrique du Sud) qui sous des régimes d´exception subissaient des disparitions forcées massives, systématiques et involontaires de personnes. D´après El Proceso (21/2/1981) de Mexico, la disparition forcée a été le dernier recours utilisé par ces Etats pour se défaire de leurs opposants politiques, et échapper à toute sorte de responsabilité criminelle face à la communauté internationale.
[12] Cortázar, Julio (1979). «El exilio combatiente». Discours d’ouverture de la Primera Conferencia Internacional sobre el Exilio y la Solidaridad Latinoamericanas en los años 70, Caracas-Mérida, 21-29 octobre. Voir à ce propos le site http://vivianamarcelairiart.blogspot.com/2013/04/julio-cortazar-el-exilio-combatiente.html
[13] Sur la caractérisation du délit de disparition forcée, voir les débats juridiques et politiques du Colloque de Paris et des trois congrès réalisés par les familles des disparus d´Amérique latine, qui ont eu lieu à San José de Costa Rica (1981) et à Caracas (1982).
[14] On a récemment trouvé un document révélant que le nom de Julio Cortázar apparaissait aux côtés de plusieurs centaines d’Argentins qui travaillaient comme présentateurs, peintres, écrivains, journalistes, concertistes, comédiennes et comédiens, metteurs en scène, avocats, professeurs d’arts plastiques, enseignants, musiciens, sculpteurs, critiques d´art, scénaristes, publicitaires, décorateurs, compositeurs, réalisateurs, dessinateurs, psychologues et pédiatres. Jusqu’en 1983 Cortázar a figuré parmi les personnes qualifiées de «Formule 4», car «il a des antécédents idéologiques marxistes qui déconseillent son admission et/ou son maintien dans la fonction publique», et par là même faisait partie de ceux qu´on ne pouvait embaucher ni faire monter en grade, de ceux à qui on ne pouvait pas accorder des bénéfices et dont un bon nombre a rejoint les listes des prisonniers politiques, torturés et détenus-disparus. Ministerio de Defensa (2013). Listas negras de artistas, músicos, intelectuales y periodistas. Buenos Aires: Presidencia de la Nación.
[15] Guillermo Schavelzon, agent littéraire bien connu, faisait état de la polémique suscitée par la décision de Cortázar d’adopter la nationalité de son pays d´exil et de consécration littéraire. Il affirmait dans le journal mexicain Unomásuno (3/8/1981) : «Pour un intellectuel si publiquement engagé, plus qu´une formalité, un passeport est un instrument de lutte: c´est l´élément indispensable pour pouvoir parcourir le monde en travaillant pour ses idées. […]. Centrer la polémique sur la nationalité de Cortázar, c´est la détourner du thème sur lequel la réflexion doit se focaliser: pourquoi un intellectuel latino-américain (argentin, uruguayen, guatémaltèque ou de tout autre pays) est obligé à vivre loin de sa patrie».
[16] Voyage rendu possible par une bourse du gouvernement français, et qui en a fait l´un des écrivains du boom de la littérature latino-américaine dans l’Europe des années soixante-dix.
[17] Trois ans après la mort de Cortázar, le journaliste Julio Huasi explique que l’«auto-exil» de l´écrivain s’est transformé en exil lorsque la Junte militaire a interdit et censuré ses œuvres (El Periodista de Buenos Aires, n º 127, 13-19 février).
[18] Cortázar, Julio (1981). « Exilio y literatura. Carta a una escritora argentina», dans: El Ornitorrrinco, Buenos Aires, nº 10, octobre/novembre.
[19] Cortázar, Julio (1981), op. cit, p. 4.
[20] Soriano, Osvaldo (1983). « Entrevista a Julio Cortázar», dans: Resumen de Actualidad Argentina, Madrid, le 7 novembre, p. 32.
[21] Cortázar, Julio (1980). «Entrevista», dans: Resumen de Actualidad Argentina, Madrid, nº 18, le 24 mars, p. 41.
[22] Alors que les militaires argentins préparaient une «solution légale» au «problème des disparus» et que la Commission Interaméricaine des droits de l´Homme (CIDH) de l´Organisation d´Etats Américains visitait l’Argentine, l´écrivain Cristina Peri Rossi rappelait que Cortázar avait été interdit par les généraux pour avoir publié, trois années avant le coup d´Etat, un roman qui raconte l´histoire d’un Argentin cité à comparaître dans les locaux d´un ministère d’où il n´est plus jamais sorti: «il avait disparu». Peri Rossi dénonçait la Junte argentine pour avoir assassiné dans le plus grand secret et avoir créé un «euphémisme» pour parler de cette nouvelle forme de mort (sans corps, sans tombe, sans meurtrier). Et elle affirmait: «ces dix mille personnes n’ont pas disparu de leur plein gré, mais forcées, en vertu d’un terrorisme d’Etat qui n’ose pas dire son nom». Peri Rossi, Cristina (1979). «Argentina. Maneras legales de morir», dans: Triunfo, Madrid, le 22 septembre.
[23] Un des mots utilisés par les militaires argentins pour désigner les centres clandestins de détention et d’extermination, dont le plus important opérait à l’Ecole de Mécanique de la Marine (ESMA) à Buenos Aires.
[24] Alors que je suis en train d´écrire cet article, la Justice argentine vient de clôturer, le 1er. août 2017, l´enquête sur la présumée disparition forcée de Santiago Maldonado et a rendu un verdict de non-responsabilité des forces de la Gendarmerie argentine impliquées dans la répression du conflit mapuche.
[25] Ce fut le titre du rapport élaboré par la Commission nationale sur la disparition de personnes (CONADEP), créée en 1984 par le président Raúl Alfonsín, laquelle a présenté un récit complet des caractéristiques et dimensions du système de disparitions. Ce fut aussi la phrase finale de l´allocution du procureur en charge du procès aux Juntes militaires, qui s´est tenu à Buenos Aires en 1985 et a condamné les principaux responsables de la répression en Argentine.
[26] «Disparus» dans le cadre de la répression policière menée dans l’Etat d’Iguala entre la nuit du 26 et le matin du 27 septembre 2014.
[27] Voir le site https://www.amnistia.org/en/blog/2017/08/3471/las-mujeres-y-la-desaparicion-forzada