S’il s’agissait d’un traité de savoir-vivre pour une ère nouvelle, il s’adresserait plutôt, aux vieilles générations de la modernité à laquelle la génération de 1968 appartient et même aux Promethée hors-sol, ivres de sang rêvant d’immortalité d’aujourd’hui. Qui a le plus besoin de conseils ? S’il en est un seul, c’est d’écouter la jeune étudiante qui a écrit un caliquot à Sion lors d’une manifestation pour le climat : « Et toi petite qu’est-ce que tu veux être plus tard ? – Vivante » [2].
Son cri a résonné longtemps en moi. Il résonne toujours.
Désir de transmettre une expérience au moment de passer la main. Des traces. Des outils. Des coquilles sur le rivage de l’histoire et du présent. Des perles du fond de la mer. Des rencontres. Un héritage. A prendre ou à refuser. A voir.
Désir de partager une trouvaille cachée sur la scène de la migration, au bout d’un long périple derrière des arbres qui cachent la forêt: la liberté politique de se mouvoir. Egarée, retrouvée par bribes, appropriée, grâce à un jeu de curiosité d’enfance qui a pris quelques longs mois. Ni un jeu d’échec, ni un jeu de go. Un puzzle de l’étonnement, des pièces à assembler autour du fil rouge.
Il faut dire que j’aime jouer.
Il faut dire que j’aime trop la liberté, la liberté politique pour la perdre ou qu’on me la prenne. Qu’on nous la prenne.
Ceci n’est pas une plaisanterie. La liberté politique est une question de vie et de mort.
Le choix n’est plus entre vivre et survivre. Se savoir mortels. Se savoir tous potentièlement mortels. Se mouvoir. Garder le goût de la liberté. Le goût de vivre. Sel de la vie[3]. Prendre le risque, le plaisir de vivre l’autonomie pour le temps qu’il nous est donné de vivre. Tout simplement.

INTRODUCTION [4]
« Si l’homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait pas ne plus voir ce qui vaut la peine d’être regardé ».
René Char, Feuillets d’Hypnos (extrait).
L’essai traite de la LIBERTE POLITIQUE DE SE MOUVOIR. DESEXIL, EXPULSIONS, DEMOCRATIE en partant de la migration,tout en réfléchissant aux raisons d’entreprendre une telle aventure, en tentant d’articuler un travail personnel à une aventure collective durant plus de 40 ans.
En écrivant cet essai ce qui m’importe en passant la main, c’est le projet d’Université libre qui fait partie d’un travail et d’un héritage commun, où cet essai a une place parmi beaucoup d’autres textes[5], matériaux, actions, luttes, aventures. Partager, à un certain moment une pratique de réflexion peut être un outil pour d’autres.
Qu’est-ce qu’un tel essai a à voir avec la migration, la défense des droits des migrants ? Et pourquoi parler d’exil, de desexilés prolétaires ? Il faudra faire des recherches et des détours pour trouver un objet inattendu et une matrice positive de vie de l’ordre du plus général. Pour toutes et tous.
Ce qui importe c’est la découverte d’un fil rouge inattendu : la liberté politique de se mouvoir, ses liens avec le desexil, les desexilés prolétaires, les expulsions dans le capitalisme d’hier et d’aujourd’hui, la révolution, la démocratie, à l’ombre de la migration et de ses préjugés, mensonges politiques, passions, résistances. Le conflit entre le « proche » et le « lointain » est constitutif, nous montre Richard Marientras[6], d’époques où ont lieu des mutations politiques, sociales, culturelles.
Ce livre s’adresse à tout le monde. La pratique philosophique est à tout le monde. Le nombre de pages ne doit pas effrayer et éloigner les lectrices et les lecteurs. J’aurais voulu être artiste, peintre, musicienne, danseuse. Et qu’il n’y ait pas tant de mots.
Comme le café, on peut le déguster à petites doses. Il est possible de lire l’essai en choisissant certaines des 20 pièces du puzzle – chaque partie est un petit livre en lui-même -, par bouts, d’aller, de revenir, de suivre le fil rouge, de lire l’ensemble en traversant les textes. Reconstruire un autre puzzle. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait des premières lectrices et lecteurs, dont les commentaires critiques m’ont beaucoup aidée et que je remercie.
L’essai a été fabriqué comme un puzzle de l’étonnement avec des pièces qui s’imbriquent, un fil rouge à tenir en main pour entrer dans le labyrinthe de la vie. Je partage le plaisir de la curiosité que j’ai moi-même vécu. Il n’est pas nécessaire d’être spécialiste des écrits, de l’appareil de référence des auteurs cités. Les références bibliographiques en notes où j’ai choisi d’accorder une place prioritaire aux références moins visibles et, à la fin permettent d’engager une lecture par pièces, à toutes sortes de niveaux.
La capacité de compréhension, de jugement ne dépend pas des années d’études, ni des diplômes, mais de la capacité d’imaginer, réfléchir, penser, débattre avec d’autres. Construire, ce que Kant appelait en parlant du jugement[7] une « mentalité élargie », est d’autant plus nécessaire en constatant les attaques de la pensée active. La philosophie au sens le plus général est un besoin mais pas une évidence. On verra pourquoi Castoriadis reprendra la question de Kant en réfléchissant à la découverte/recouvrement de l’imagination radicale et social-historique en revisitant l’histoire de la philosophie.
Dans une conjoncture de repli et de mouvement souterrain du volcan, il est peut-être plus aisé de saisir les enjeux, à partir d’exemples, de questions, de faits. J’ai été en quelque sorte obligée à philosopher, à réfléchir pour ne pas simplement retourner la violence de l’apartheid en boomerang, ou alors de rester prisonnière de l’indignation et de la colère. La pratique philosophique est devenue une nécessité pour résister.
Cet essai est un des résultats de faits d’expériences, de violence vécus sur le terrain de l’asile et du droit d’asile. Il a été déclenché, depuis d’autres faits vécus, par des exemples vécus[1] qui ont eu lieu dans les années 1980, au moment du tournant de Schengen. Ils m’ont profondément marquée. Ils ont ébranlé ma confiance critique dans la démocratie parlementaire semi-directe et des principes comme ceux de la séparation des pouvoirs, de la distinction entre la police, le parlement et la justice[8]. Ils ont bousculé ma vie et mis en danger la vie d’autres personnes. Ils m’ont forcée à repenser le lien entre politique et philosophie et les rapports entre pouvoir de domination, de violence et leurs transformations dans l’hypercapitalisme[9] globalisé.
Premier cas. L’Etat suisse a accusé un homme, de « mise en cause de la sécurité d’Etat » (terrorisme). Après 15 ans de séjour en Suisse, cet homme, livreur en pharmacie, refusait d’être expulsé ; il redoutait d’être arrêté dès son retour au Zaïre de Mobuto. Après trois ans d’âpres luttes, où ont participé les voisins de quartier, les enfants des écoles et grâce à la lutte menée, il a été expulsé à Cuba avec sa femme et ses trois enfants nés à Genève, et non dans son pays d’origine. Nous avons découvert avec effarement la machine implacable de la violence d’Etat en marche pour faire un exemple. « La démocratie s’arrête où commence la Raison d’Etat » ai-je entendu effarée. La phrase a été prononcée par une Conseillère fédérale, Elisabeth Kopp. Des années plus tard, nous avons pu établir que l’accusation avait eu lieu sans preuves. L’insoumis est décédé à 48 ans. Sa femme, ses enfants sont blessés, révoltés. Son cas a préfiguré des mesures d’état d’exception[10] en Suisse, en France[11] qui, dans cette période historique, se sont diversifées et étendues en Europe[12].
Deuxième cas. Un requérant d’asile kurde sorti de prison torturé, malade psychiquement a déposé une demande d’asile à Berne avec sa femme. Son fils n’a pas pu le rejoindre car la loi ne le permet pas. Huit ans d’interpellations juridiques, de luttes au bout desquelles il a obtenu le droit d’asile, devenu encore plus fragile psychiquement. Comment lui expliquer, quand il téléphonait angoissé au milieu de la nuit, que la violence d’Etat suisse succédait à la violence d’Etat de Turquie, alors qu’il avait cherché une protection dans un pays des droits de l’homme ? Nous avons assisté à sa dégradation psychique, physique, sociale. Sa femme l’a quitté. Son fils qu’il avait dû laisser en Turquie a rejoint ses parents adolescent. Il a reproché à ses parents de ne pas lui laisser finir son collège en Turquie et a enchaîné échecs sur échecs dans des essais d’apprentissage en Suisse.
Ces deux cas de violence, vécus avec d’autres, qui ont assumé la défense des droits, en tant que femme citoyenne sur des humains concrets, vivants dont certains sont devenus fous, sont morts (prisons, aéroports), ont suscité de la tristesse, de la colère, de l’angoisse, de l’insécurité, et m’ont fait très profondément douté du système politique suisse et européen. Ils ont compliqué ma trajectoire professionnelle, m’ont fait expérimenter le mensonge politique de l’Etat de droit, des obligations de la démocratie représentative semi-directe, au point qu’elles ont renforcé mon engagement, produit une réorientation dans ma trajectoire philosophique, de mes objets d’étude et de mes méthodes de travail. Un des aboutissements est la création avec d’autres d’une Université libre.
Cet essai est aussi né de questions souvent posées autour de moi au long des années. Un ami réfugié me demandait un jour : « Et toi, la philosophe, que penses-tu de ce qui arrive aux politiques de migration, du droit d’asile en Europe? » Avec d’autres amis, les pieds dans la boue du monde, nous nous sommes demandés : « Que sommes-nous en train de faire en nous obstinant à contenir la violence absurde de politiques qui broient des milliers de personnes, sont appliquées par d’autres milliers de personnes, d’institutions ? A l’échelle de la planète ce sont des millions. Impossible de compter. Abstrait. Impossible de déceler la chaîne des responsabilités, mettre des noms pour organiser un Tribunal[13].
L’enjeu est de passer de la quantité à la qualité. De quitter le langage du pouvoir des statistiques et autres dispositifs qui rendent sourds et aveugles. Le passage devient matériel, concret, quand on fait l’expérience de défendre les droits d’enfants, de femmes, d’hommes détruits par la violence d’Etat et qu’on constate la violence à l’œuvre sur les corps, les psychismes, les liens dans la vie quotidienne (travail, logement, droits sociaux, crises institutionnels, etc.), sur eux, et aussi sur nous, sur notre entourage. La violence de l’apartheid derrière des vitres invisibles ne nous protège plus ! Les digues cèdent.
Indignation. Colère. Fatigue. Desespérance. Angoisse. « Où allons-nous ? » « Comment faisons-nous pour résister ? Comment fuir, ruser pour inventer des alternatives ? Comment faisons-nous pour penser ce qui arrive, « ce que nous faisons » comme dit Arendt, nos pratiques de sororité, de fraternité, solidarité, d’hospitalité ? Et pourquoi nous obstinons-nous à ne pas lâcher, à dire « Non ça suffit », à nous tenir debouts face à l’inhumanité du monde » ?
Il fallait partir du terrain. Il y a quelque chose d’enfoui, de caché derrière la migration, le droit d’asile, les droits qu’il faut retrouver, se réapproprier. Fermer les yeux pour imaginer et les ouvrir pour voir. Retrouver le vaste horizon du monde.
Ce texte n’est pas non plus un traité philosophique. La philosophie comme l’histoire et d’autres domaines des savoirs est un « champ de bataille »[14] ; malgré les évitements, les dénis, personne n’a été épargné par les violences du XXe siècle. Je me suis astreinte à une pratique de l’essai qui est le fait de beaucoup d’écrivains, chercheurs, militants, artistes jeunes et vieux. Ce mode de travail a été rendu célèbre en France, par Michel de Montaigne, soucieux des angles d’approche, des prises de parole, d’une écriture personnelle, d’un échange avec d’autres et d’une immense curiosité pour connaître le monde. Il a contribué à me libérer de l’autocensure, des carcans académiques. Il a ouvert des possibles pour mon travail philosophique.
Ce texte n’est pas non plus l’établissement d’un inventaire de propositions, ce qui est fait par ailleurs dans d’autres publications et par de nombreux auteurs, institutions, experts, ONG, militants, professionnels. Nous ne manquons pas de propositions (ex. Pacte migratoire, des réfugiés, suppression de Dublin, suppression du délit de solidarité, condamnations de la violence faite aux femmes, mesures à l’encontre des multinationales, des banques[15], rétablissement du droit du travail, etc.). Ce qui manque c’est le courage politique. le but est de se déplacer radicalement pour chercher à retrouver dans l’ombre de la migration, de l’ensemble des politiques publiques et des droits, un objet invisible et de se le réapproprier du plus intime au plus collectif.
Philosopher sur le terrain de la migration, exige de ne pas suivre les effets de surface, mais de s’intéresser aux tendances de fond, aux embarras, aux apories et aux énigmes qui ne s’effacent pas à coup d’arguments et d’invectives haineuses. Les faits observés ne sont pas de simples exemples à l’appui d’une théorie préconçue. Les questions brûlantes bousculent les pratiques et les théories. Elle exige d’aborder les situations en termes fondamentaux. Ce qui est loin d’être facile quand les manipulations des passions s’en mêlent.
De plus, la migration est loin d’être la seule question brûlante aujourd’hui. Le fait qu’elle occupe (provisoirement ?) le devant de la scène, avant d’être remplacée par l’attaque ciblée d’autres populations (antisémitisme, racisme, sexisme, pauvres…) dissimule ou oblitère d’autres problèmes brûlants. Cela implique de ne pas se laisser emporter, distraire, mais d’aller voir derrière la scène, de creuser plus profond.
Je suis partie d’un paradoxe : ces 40-50 dernières années, le fait migratoire a été surmédiatisé, manipulé avec hypocrisie par les politiciens de tout bord, alors même qu’on constate une absence de politique migratoire européenne respectueuse des droits fondamentaux (politiques du brain drain – fuite des cerveaux, pacte migratoire entre gouvernements non débattu sérieusement), des travailleurs clandestins surexploités dans des situations d’infra-droit ou de non-droit), des violences policières et l’instauration de politiques de contrôles guerriers en Europe et sur la planète qui ne concernent de loin pas que les travailleurs migrants.
Les glissements du langage, le démantèlement des médias publics, les fausses informations polarisent, détournent de l’observation lucide des faits. Les scoops, images, mots circulent en accéléré en banalisant le mensonge politique. Ils attisent les craintes, la haine, les passions tristes (Spinoza). Les attaques des affects, de la pensée, du jugement, sont un des axes de réflexion de l’essai philosophique.
L’essai reconsidère la notion d’exil. Il pose des ancrages pour des pratiques de l’agir d’égaux libres qui vivent une condition d’exilés.Il s’appuie sur Hannah Arendt (liberté politique), revisitele droit d’avoir des droits, aborde l’égalité versus l(in)égalité politique avec Rancière, la solidarité, la sororité/fraternité, l’hospitalité (féministes matérialistes, délit de solidarité, Roya, Kant).
L’enjeu est de briser l’exil, d’inventer le desexil, un concept en mouvement (Deleuze&Guattari) en considérant la nouvelle situation générale d’un peuple multiple, hétérogène, en conflits, d’exilés prolétaires dans le l’hypercapitalisme globalisé (Tosel) caractérisé par une civilisation d’expulsion-extermination-annihilation-disparition.
Le but est de s’en sortir d’une pensée d’Etat, de police, de guerre, de force, d’état d’exception, des catégories territoriales, souverainiste des Etats(nations), d’amis-ennemis figés, d’imaginer une transpolitique démocratique en réfléchissant à ce que j’appelle le vertige démocratique dont j’explique la teneur à la fin de l’essai.
La démarche est un jeu, un puzzle d’étonnement inspirée par les romans espagnols de Javier Cercas, part d’un embarras et se déroule entre apories, énigmes. Socrate est dans l’ombre. Elle vise à dégager une position d’émancipation, d’insurrection. C’est une démarche créatrice de révolution (Luxemburg), de lignes de fuite (Guattari), de droit de fuite (Mezzadra), de ruse (métis d’Ulysse, Pénélope), de création (Castoriadis), dans des positions, luttes, pratiques multiples, y compris dans la prise en charge du conflit dans le champ philosophique quand il croise la politique. Le choix posé, la position dans la pratique de la philosophie est qu’elle se situe dans, et avec la politique, tout en tendant de pousser les réflexions à dégager, dans le vertige démocratie des formes de la tragédie humaine au XXIe siècle[16] qu’on a tendance à oublier à notre époque, dans le feu de l’action.
La politique, la philosophie ont besoin de s’ancrer dans l’histoire des sans-Etat, des politiques d’expulsions (Sassen), de déportation (Sustam), l’exil forcé dans l’expansion capitaliste (Batou, Frazer, Fillipati), le terrible et court XXe siècle (guerre totale, extermination) et ses traces (par exemple, les politiques de disparition).
La prise en compte aujourd’hui de l’effet boomerang imprévisible de l’impérialisme (Rosa Luxemburg) est un point fondamental dans l’essai. L’apartheid, l’état d’exception banalisé (Monnier) est la vitre invisible qui cache les rapports de domination de classe/sexe/race. La figure des disparus, (Cortazar, Veloso) qui se globalise en poussant les limites de la violence dans l’abîme d’un nihilisme absolu, amène à devoir intégrer leur figure pour articuler les transformations du pouvoir et de la violence dans ces rapports.
L’essai se termine, par une réflexion après-coup sur ce que j’appelle le vertige démocratique, sur des énigmes de fond, sur un parcours qui, en partant de la migration aboutit à l’universalisation de la liberté politique de se mouvoir. Des ancrages philosophiques réflexifs sont autant d’outils (guerre et révolution, effet boomerang, Luxemburg), (imagination radicale, Castoriadis), (affect de la compréhension, Arendt), (aporie entre violence et révolution, Arendt) et pari pour une politique d’anti-violence (Balibar).
Comment passer de pratiques, pensées, théories de la politique centrées le plus souvent sur le pouvoir réduit à la force sans limites, en se déplaçant pour intégrer les transformations de la violence guerrière à la puissance de l’agir d’anti-violence? L’énigme de civilisation implique le dépassement du déterminisme[17] et du catastrophisme ambiant par la réappropriation de la liberté politique de se mouvoir par « le peuple des desexilés prolétaires » auquel nous appartenons. « Comme si nous étions déjà libre », disait-il[18]. Nous le sommes un peu plus à chaque foulée.
* Vaneigem Raoul, Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, Paris, Folio, 1992 (1967). Depuis l’écriture de l’essai de 2019, d’autres faits sont remontés des tréfonds de l’inconscient, qui ont à voir avec le besoin et la résistance à pratiquer l’étonnement philosophique. J’en parle ailleurs.
[2] Un appel vient d’être lancé par des scientifiques en Europe pour une grève du climat le 15 mars 2019.
[3] Comme a dit Françoise Héritier, dans deux petits opuscules merveilleux : Le sel de la vie, Paris, Odile Jacob, 2017 ; Le sel de la Terre, Paris, Odile Jacob, 2012 (ce petit livre a été destiné à son médecin et à son travail difficile).
[4] Je remercie tout particulièrement les personnes suivantes qui ont participé à la relecture, apporté des conseils, transmis des informations, des matériaux: Valeria Wagner, Rada Ivekovic, Carlos Fernandez, Teresa Veloso, Ghislaine Glasson-Deschaumes, Ibrahim Soysüren, Cagla Aykac, Engin Sustam, Pierre Fiala, Omar Odermatt, Stéphanie Tschopp, Christiane Wist, Andrea Olivera, Youri Verdongen, Giada de Coulon, Caroline Alvarez, Novine Berthoud Aghili, Maren Ulricksen-Vignar, Pauline Milani, Ilaria Possenti, Graziella de Coulon, Violeta Araujo, Sabine Caloz, Martin Caloz, Manuela Salvi, Maria-Teresa Findji, Valeria Wagner, Christophe Tafelmacher, Denis von der Weid, Claire Rodier, Christine Wyss, Amanda Joset, Claude Braun, Marie-Thérèse Delpretti.
[5] Pour la dernière étape du Programme, voir en annexe, le sommaire des trois livres du colloque de Genève. Un numéro de la Revue en ligne (Re)penser l’exil no. 9-10 est en préparation. Voir site : exil-ciph.com (qui contient les enregistrements de tous les séminaires grâce à l’appui de l’Association Savoir Libre, Lausanne.
[6] Marientras Richard, Le proche et le lointain, Paris, éd. de Minuit, 1981.
[7] Kant, Critique de la faculté de juger, I, par. 40, Paris, Flammarion, coll. GF, p. 279.
[8] En Suisse ces deux domaines dépendent d’un seul Département où sont traités les questions des étrangers et des opposants politiques (police fédérale) et il n’y a pas de Cour constitutionnelle.
[9] Le mot est emprunté à un philosophe, André Tosel, spécialiste de Gramsci, avec qui nous avons travaillé pendant plusieurs années par exemple, sur les transformations du rapport capital-travail, l’élargissement des formes d’exploitation et de surexploitation dans l’expansion de ce qu’il a appelé l’hypercapitalisme. Pour ma part, dans les années 1980, en tentant de comprendre la radicalisation des formes de violence, j’ai parlé de « total-libéralisme » en tentant de montrer les rapports entre l’invention totalitaire du XXe siècle et l’ultralibéralisme du XXIe siècle. Avec André Tosel, dans une collaboration qui s’est achevée par sa mort soudaine, nous avons aussi travaillé sur Antonio Gramsci et Rosa Luxemburg. Voir Caloz-Tschopp M.Cl., Felly R., Chollet A., Rosa Luxemburg. Antonio Gramsci Actuels, Paris, Kimé, 2018.
[10] En 1994, ont été considérablement renforcées les mesures de contraintes dans le droit des étrangers suisse, permettant l’arrestation et la détention administrative en vue de l’exécution du renvoi, dont la durée a été progressivement portée à 18 mois. Ce sont actuellement les articles 76 à 82 regroupés à la section 5 du chapitre 10 de la Loi sur les étrangers et l’intégration (LEI). Je remercie l’avocat Christophe Tafelmacher pour l’information juridique précise.
[11] Voir notamment, Delmas-Marty Mireille, Libertés et sûreté dans un monde dangereux, Paris, Seuil, 2010.
[12] Ce bref résumé de trois ans de lutte ne tient pas compte de la complexité de ce cas. Christophe Tafelmacher l’a expliqué en détails dans son rapport au Tribunal sur le droit d’asile à Berlin en 1994: Violations par la Suisse de ses engagements internationaux dans sa pratique du droit d’asile et de renvoi du cas d’un réfugié zaïrois : l’expulsion d’Alphonse Maza. Le témoignage annexé au rapport a été déposé dans le cadre de l’accusation à la séance sur le droit d’asile du Tribunal Permanent des Peuples (Berlin – décembre 1994) et il est déposé et édité par la Coordination Asile Suisse, Berne, 1994.
[13] Lors du colloque international de la recherche « Mondialisation, Migrations, Droits de l’Homme » en janvier 2006, la professeur de droit international, Monique Chemillier-Gendreau a formulé publiquement la proposition de la création d’une Cour mondiale des Droits de l’Homme dans le cadre de l’ONU. La proposition a ensuite été présentée au Maire de Genève lors de la soirée publique du mardi 17 janvier 2006 organisée à la fin du colloque international à l’Université de Genève. Elle est toujours ouverte. Les tribunaux dits « d’opinion » sont d’autres voies de recherche pour établir des responsabilités. Voir notamment, Cortazar Julio, Rigaux François, Matarasso Léo, Bimbi Linda, Giani Tognoni, Edmond Jouve, Un tribunal pour les peuples, Paris, éd. Berger-Levrault, 1981. Autre référence plus spécifiquement philosophique. La méthode de Jaspers d’établir des degrés de responsabilité du désastre nazi n’est pas applicable aujourd’hui. On peut y observer les apories du raisonnement : « si tout le monde est responsable, personne est responsable » et la difficulté de les élucider dans la complexité bureaucratique des Etats et des situations de la globalisation capitaliste.
[14] Traverso Enzo, L’histoire comme champ de bataille. Interpréter les violences du XXe siècle, Paris, La Découverte, 2011.
[15] Le Tribunal correctionnel de Paris a condamné el 20.2.2019, l’UBS, pour des fautes d’une exceptionnelle gravité à payer une amende de 3,7 milliards d’euros pour raison d’évasion fiscale (démarchage bancaire illégal, blanchiement aggravé de fraude fiscale de 2004 à 2012.
[16] Avec Simone Weil, Hannah Arendt et Cornelius Castoriadis, je suis allée visiter la tragédie de la Grèce ancienne étroitement, qui avec la philosophie est étroitement liée à l’émergence de la démocratie. Il aurait été possible de prendre Shakespeare avec Richard Marientras, mais cela est en chemin. Marientras Richard, Shakespeare au XXIe siècle. Petite introduction aux tragédies, Paris, Minuit, 2000. Soulignons que deux livres ont accompagné ma recherche sur les Services publics dans le canton de Genève : Le Château de Kafka et Hamlet de Shakespeare et ils sont toujours avec moi !
[17] Déterminisme et liberté en d’autres morts, c’est le A quoi bon ? et le pari qu’autre chose peut avoir toujours avoir lieu, face à la violence. Par le droit de fuite, la ruse, la création. En science, le déterminisme absolu ne gouverne plus le monde, depuis que la probabilité a été découverte après Galilée et Newton (déterminisme entre force et mouvement en mécanique) ; le hasard, les aléas existent en science, dans le monde du vivant, par exemple, dans des mutations aléatoires du génome… et aussi dans l’histoire humaine, les sociétés instituantes et instituées (Castoriadis), ouvertes à l’imprévisible de la création humaine, des luttes.
[18] Graeber David, Comme si nous étions déjà libres (The Democraty Project), Montréal, éd. Lux, 2014. Voir aussi, Collectif, Liberté pour tous avec ou sans papiers. Une lutte contre la machine à expulser (2006-2011), Paris, Mutines séditions 2017.